Je suis arrivé dans ce monde un froid matin de juillet 1992, réchauffé par le corps de ma mère. Malgré l'amour de mes parents, je ne peux m'empêcher de penser comme il n'était probablement pas facile pour eux de faire entrer un être si fragile dans un monde aussi glacial.

Effectivement, je suis né pendant que se déroulaient, à des milliers de kilomètres, certaines des plus terribles atrocités du siège de Sarajevo. J'ai probablement lancé mes premiers cris au moment même où un autre enfant poussait son dernier souffle sous les balles d'un sniper...

Le siège de Sarajevo fut l'une des premières guerres à défiler en boucle sur nos écrans de télévision. Elle s'est invitée sans pudeur dans nos maisons et a étalé la cruauté humaine devant nos yeux, tout en générant une indifférence si troublante que l'on voit encore, 24 ans plus tard, en cet événement une perte momentanée de notre humanité.

Le monde brûlait sur CNN et l'on assistait aux événements comme l'on aurait regardé un téléroman, une fiction.

Deux ans plus tard, ce sera au tour des collines rwandaises à se teindre de rouge au téléjournal. Suivront la Tchétchénie, l'Afghanistan, et j'en passe. Lorsque je suis devenu assez âgé pour comprendre la portée des événements, ce fut au tour de Bagdad d'être bombardé en direct. Le chaos sur nos écrans, 24 heures sur 24.

Je ne sais point si cette exposition médiatique m'a influencé dans mes choix de vie, mais j'ai développé un intérêt pour les conflits armés et j'ai finalement décidé d'en faire mon domaine d'étude.

LA RÉALITÉ DE LA GUERRE DANS NOS VIES

Il y a une réalité sociale, juridique et économique à la guerre que peu de gens connaissent, du moins au Québec. Elle se trouve au téléjournal et dans les médias sociaux, mais reste néanmoins absente de nos rues, la rendant donc abstraite. Toutefois, récemment, la réalité de la guerre s'est invitée dans nos vies. La crise des réfugiés est venue secouer l'Europe, créant une onde de choc jusque chez nous.

Malheureusement, l'opinion publique s'est beaucoup plus intéressée à la peur d'accueillir des réfugiés (de potentiels terroristes, si l'on se fie à certains démagogues de notoriété publique) qu'à la cause qui pousse ces derniers à fuir leur patrie.

D'une certaine manière, notre façon d'approcher la situation en Syrie est remplie de contradictions troublantes.

On regarde avec une certaine curiosité morbide les images d'hôpitaux bombardés et de corps inanimés, mais on n'entame toutefois aucun débat de société sur le sujet. On ne se questionne pas sur notre rôle, en tant que membres de la communauté internationale, devant cette boucherie. Nous nous contentons de regarder à distance, perdant du même coup un peu de notre humanité... comme ce fut le cas à Sarajevo ou Kigali.

Cette fois, cette perte d'humanité se nomme Alep. Les forces fidèles à Bachar al-Assad, soutenues par l'aviation russe, sont en train de reprendre le contrôle des derniers quartiers contrôlés par les rebelles anti-régime. Les rapports nous provenant de ces quartiers font état d'exécutions sommaires et de milliers de civils pris au piège. Malgré le cessez-le-feu conclu cette semaine, la situation reste critique, le conflit syrien plongeant encore plus profondément dans la plus brutale des barbaries.

Nous avons maintenant la responsabilité morale comme société d'agir face à une telle violation de nos valeurs les plus fondamentales. Du moins, nous avons la responsabilité d'entamer une discussion collective. Exprimons notre indignation. Cessons de regarder passivement les événements. Il en va de la survie de notre humanité.