Je m'appelle Ra'ed al-Saleh. Il y a quatre ans, je vendais des appareils électroniques à Idlib, en Syrie. Aujourd'hui, je suis directeur d'un organisme de secourisme syrien connu sous le nom des Casques blancs.

L'histoire des Casques blancs débute en mars 2013, alors que le régime syrien lançait 50 frappes aériennes par jour contre des cibles civiles à Alep, notamment en utilisant des barils d'explosifs pour détruire des marchés, des petites entreprises et des quartiers résidentiels. Chaque jour, des centaines de personnes étaient tuées et celles coincées sous les décombres n'avaient aucune chance d'être secourues. Il n'y avait aucun espoir.

Cette histoire des Casques blancs est celle que je raconterai aux Canadiens cette semaine pour présenter le documentaire Les Casques blancs au Canada. En effectuant des visites à Ottawa, Montréal, Toronto, Winnipeg et Vancouver, j'espère échanger avec des Canadiens de tout le pays pour faire connaître non seulement l'étendue de la terreur en Syrie, mais également le travail des Casques blancs. C'est une histoire que j'espère que les Canadiens entendront.

En 2013, le régime syrien nous a donné le choix : partir ou être tué.

Pour la majeure partie de la population, partir était hors de question. Mais attendre de se faire tuer l'était tout autant. Dans le nord d'Alep, un groupe de charpentiers, de boulangers, de constructeurs et de chauffeurs de taxi a donc décidé de prendre les choses en mains. Après avoir reçu une semaine de formation d'une ONG internationale ainsi qu'une petite trousse de matériel, les membres du groupe sont retournés dans leur collectivité. Deux jours plus tard, ils ont sauvé une famille de quatre personnes des décombres.

PLUS QUE DES SAUVETEURS

Après trois ans, nous sommes 3000 bénévoles répartis dans 120 équipes partout en Syrie. Même si nos équipes avaient été mises sur pied au départ pour fournir des services de sauvetage, nous nous sommes rapidement aperçus que nos compétences, combinées à l'équipement et à la formation obtenus, nous permettaient d'en faire beaucoup plus pour la population que de lui venir en aide après une attaque. Lorsque nous ne dégagions pas des personnes des décombres, nous pouvions offrir des services médicaux, éduquer les gens, rétablir l'approvisionnement en électricité et en eau et rouvrir les routes, les écoles et les hôpitaux.

Trois ans plus tard, nous sommes devenus le « couteau suisse » de la prestation de services communautaires en situation de crise, avec des outils adaptables pour répondre aux besoins de la collectivité à mesure qu'ils évoluent. Nous avons constaté tout ce qui peut être accompli avec si peu, lorsque les investissements sont faits directement dans la collectivité, pour le bien de la collectivité.

Chacun de nous a fait le serment de sauver des vies indépendamment de l'appartenance politique, religieuse ou confessionnelle.

Nous sommes neutres, impartiaux et humanitaires. Nos bénévoles sont issus des communautés qu'ils servent et nous représentons à présent un vaste réseau à l'échelle du pays de premiers intervenants communautaires.

Cent quarante-huit de nos bénévoles ont été tués et plus de 450 ont été gravement blessés. Notre travail a été qualifié de « travail le plus dangereux du monde ». Dans le contexte d'une guerre qui a coûté la vie à plus de 450 000 civils et contraint le déplacement de plus de la moitié des familles, notre contribution la plus importante n'a pas été de sauver 73 000 vies, mais de faire naître l'espoir là où il n'y en avait aucun.

L'espoir, par sa nature, est tourné vers l'avenir. Nous avons espéré et cru que le conflit se règlerait plus tôt, et que nous déposerions nos outils et retrouverions notre vie normale. Nous savons aujourd'hui que ce qu'a vécu notre pays ne s'effacera pas et que la plupart de nos bénévoles n'ont plus de foyers vers lesquels retourner.

Notre vision maintenant est que ce que nous avons construit au cours des trois dernières années pourra jouer un rôle essentiel dans la reconstruction, le rétablissement et la réconciliation de notre pays. Nous espérons que les équipes qui utilisent aujourd'hui leurs outils pour se frayer un passage dans les décombres à la recherche de survivants utiliseront ces mêmes outils prochainement pour reconstruire des maisons, des routes et des infrastructures communautaires locales.

REBÂTIR LA CONFIANCE

Un jour, le combat prendra fin. Le plus grand défi ne sera pas de reconstruire les routes entre les collectivités, mais de rebâtir la confiance entre elles. La confiance a été anéantie à l'intérieur de la Syrie : la confiance envers notre gouvernement qui prétendait avoir la responsabilité de protéger ses citoyens, la confiance envers le désir ou la capacité de la communauté internationale à agir au nom de la population et la confiance envers nos compatriotes syriens pour qu'ils se comportent les uns envers les autres avec humanité.

La confiance que nous ont accordée les communautés diverses que nous servons est à la base de notre réussite à ce jour. Cette confiance a été gagnée grâce à nos actions, à la légitimité, à la représentativité et à la crédibilité de nos membres, aux valeurs humanitaires que nos membres incarnent et à la mission claire de l'organisme : sauver des vies et servir la population. Comme les Casques blancs l'ont fait en suscitant de l'espoir dans le désespoir, notre vision est d'aider à rétablir la confiance là où il n'y en a pas.