À la suite de l'annulation du spectacle de la Messe des morts le 26 novembre, nous, festivaliers et participants actifs de la scène black metal québécoise, tenons à nous prononcer sur la situation.

Dans les dernières semaines, nous avons vu une couverture médiatique sans précédent de la scène black metal, du festival Messe des morts ainsi que de Sepulchral Productions. Une série d'accusations, à la fois non fondées et trompeuses, de racisme, de tendances fascistes, voire de néonazisme ont été portées contre ces derniers, ainsi qu'envers le propriétaire du Théâtre Plaza.

L'accusation centrale est d'avoir mis en tête d'affiche Graveland, un groupe polonais populaire partout dans le monde, notamment en Amérique du Sud où il se produira en mai prochain. Le membre fondateur du groupe a déjà tenu, au début du XXIe siècle, des propos désolants, notamment antisémites.

Nous sommes lucides par rapport à cette situation et nous les dénonçons sans équivoque.

Toutefois, depuis ce temps, le groupe lui-même s'est distancié de ces propos. Graveland précise sur son site officiel : « Graveland n'est pas un groupe de NSBM [National Socialist Black Metal] [...] et n'a jamais fait partie d'un mouvement politique. Depuis les débuts, j'ai été inspiré par le paganisme et de vieux cultes qui y ont des racines. » De plus, bien que le groupe fut questionné de longues heures à son arrivée, l'entrée lui fut accordée par les services des douanes.

PUBLIC DE TOUTES ORIGINES

Nous soulignons également que l'organisateur du festival a déjà précisé maintes fois que son festival n'est pas le lieu de débats politiques. Un public de toutes origines et de tous horizons est présent depuis la première édition du festival : asiatique, hispanique, haïtien, arabe, des Premières Nations, etc. L'organisation et les amateurs de la Messe des morts ne font pas la promotion de discours haineux ou discriminatoires. D'ailleurs, l'organisation du festival s'était ouvertement positionnée contre toute attitude politisée et avait notifié les festivaliers par communiqué et par des affichages sur place. Toute personne faisant des actes politiques ou haineux serait expulsée de la salle de concert.

Selon nos observations, plusieurs débordements ont eu lieu le soir du 26 novembre. Des fumigènes ont été lancés, forçant l'évacuation des commerces voisins. Du poivre de cayenne a également été utilisé contre des agents de sécurité du théâtre. Durant toute la durée de la manifestation, donc entre 16 h et 20 h, des festivaliers ont été agressés verbalement et physiquement par des manifestants alors qu'ils ne tentaient que de rejoindre la file d'attente.

Plus tard dans la soirée, d'autres métalleux furent attaqués cette fois beaucoup plus brutalement par des groupes plus nombreux et organisés. Certains se sont fait arracher leurs biens personnels : manteaux, téléphones, portefeuilles, etc. Ces militants antifascistes cagoulés  ont mis en danger le public, le personnel du théâtre, mais aussi des citoyens qui n'avaient rien à voir avec ces événements.

Aussi malheureux les propos du chanteur de Graveland soient-ils, est-ce que cela justifie des moyens de pression d'une telle violence ?

Devons-nous brûler les livres de Louis-Ferdinand Céline et les disques de Richard Wagner parce que nous ne sommes pas d'accord avec les opinions de ces artistes ? Dans la mesure où les paroles du groupe ne véhiculent aucune haine raciale, ces accusations trompeuses ne sont-elles pas une atteinte grave à la liberté d'expression ?

Nous ne nous opposons aucunement au droit de manifester de ces groupes. S'ils avaient exprimé leurs opinions pacifiquement et sans menace à l'égard des personnes présentes, nous n'en serions pas ici aujourd'hui. Par contre, nous savons que les membres de ces groupes étaient armés et dangereux. La police avait exprimé de sérieuses inquiétudes pour la sécurité du public, des groupes et du personnel du Théâtre Plaza. La vérité est qu'il y avait une centaine de manifestants qui, selon la page Facebook Alerta Antifascista, encourageaient « toutes les initiatives, peu importe la nature » afin d'annuler la prestation de samedi dernier.

En dernier lieu, la participation à cette manifestation haineuse du député de Rosemont-La Petite Patrie, Alexandre Boulerice, est plus que surprenante. Cet homme politique a choisi de se joindre à des militants extrémistes qui privilégient la violence comme tactique activiste. Il est aberrant de constater qu'un politicien se mêle à un mouvement radical pour soi-disant empêcher la radicalisation à Montréal.

Nous trouvons cette situation extrêmement désolante. Nous participons au festival Messe des morts depuis ses débuts il y a maintenant cinq ans et jamais nous n'avons été témoins du moindre acte de violence raciale, de fascisme ou de haine politique. C'est d'ailleurs ce qui fait la force de ce festival : toute personne, peu importe ses origines ou ses convictions politiques, peut s'y retrouver et partager une passion commune : celle du métal noir.

Xavier Berthiaume, Vincent Theriault, Cynthia Paré, Méi-Ra St-Laurent,  Karine Marin, Hadi Fakhouri, Marc-André Lajeunesse, Mathieu Ruel,  Chloé Lang, Rhéa El Housseini, Simonne Perron, Yoann Zarow,  Caroline Whelan, Zaki Castro, Sanaa Ratb, Frédérick Maheux,  Phil Fiess, Hans-Erik Döring, Samuel Beaulac, Francisco H. Laranjo et plus de 140 autres signataires

PHOTO DAWID KROSNIA, TIRÉE DU SITE DU GROUPE GRAVELAND

« Le membre fondateur du groupe Graveland a déjà tenu, au début du XXIe siècle, des propos désolants, notamment antisémites », concèdent les signataires, tout en dénonçant ces propos.