Des commerces de la rue Sainte-Catherine Est dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve pour certains et HoMa pour d'autres ont été vandalisés dans la nuit de dimanche à lundi, exprimant ainsi un malaise et une tension grandissante dus à l'embourgeoisement du quartier.

On ne peut sans fin juxtaposer sans vue d'ensemble ni intervention publique gens démunis et gens plus aisés, sans relations entre eux, HLM et condos, bric-à-brac et commerces de luxe, sans s'exposer tôt ou tard à une telle situation.

Ma conjointe et moi habitons le quartier voisin de Sainte-Marie. Il y a de nombreux terrains vacants dans notre quartier, notamment au bord du fleuve, et nous sommes à quelques pas du centre-ville. C'est un ancien quartier industriel et ouvrier, victime de la désindustrialisation et de la destruction massive de logements pour faire place à Radio-Canada, notamment, et la population de notre quartier se diversifie et rajeunit rapidement. Notre quartier est appelé à connaître de profondes transformations dans les prochaines années. Nous avons tenu notre Forum social du Centre-Sud en fin de semaine et il a été notamment question des craintes de plusieurs d'entre nous vis-à-vis de son embourgeoisement.

Un résidant propriétaire du quartier me disait la fin de semaine dernière que l'évaluation par la Ville de Montréal de l'une de ses propriétés avait été haussée substantiellement récemment et qu'il augmenterait le prix de ses loyers en conséquence.

Des familles ont de plus en plus de difficulté à se loger dans le quartier et doivent s'en aller.

Un ami qui y résidait jusqu'à récemment, maintenant déménagé à Saint-Henri, me disait que la rue Notre-Dame, dans son coin, regorge maintenant de restaurants chics et inabordables pour la population traditionnelle du quartier. On se rappelle le raid de « Robins des bois » dans un commerce de produits fins de la rue Notre-Dame, il y a quelques mois.

Si la Ville de Montréal est sincère dans son désir d'assurer la mixité sociale dans les quartiers centraux et de ne pas expulser en douce les plus démunis pour en faire des quartiers bon chic bon genre qui rapportent plus en termes de taxes, il faut qu'elle intervienne dès maintenant et énergiquement.

Il lui faut interpeller Québec et Ottawa et mettre en place des mesures d'apaisement et de contrôle des loyers tant résidentiels que commerciaux pour protéger la vie et la mixité de nos quartiers.

Laisser nos quartiers se développer selon la sacro-sainte loi du marché ne peut entraîner, comme dans toutes les villes du monde, qu'un centre-ville et des quartiers périphériques bien branchés et vidés du pauvre monde.

Comme Montréalais, il nous faut décider quelles sont nos valeurs collectives et dans quelle ville nous voulons vivre et laisser à nos enfants et petits-enfants. La paix sociale a aussi un prix : l'engagement et le dialogue. Dans notre quartier, nous avons la chance d'avoir une communauté active, éveillée et unie. Nous ne laisserons pas notre quartier se développer sans nous avec les seules forces de l'argent.