Le ton acrimonieux observé en politique québécoise ces jours-ci est franchement rébarbatif. Importer des dérapages venus d'ailleurs n'aide en rien à améliorer le climat. Le Québec, c'est le Québec, a-t-on envie de rappeler depuis le résultat de l'élection américaine.

Le point Godwin, vous connaissez ? Le terme est peut-être familier à ceux qui fréquentent les médias sociaux. Pour les autres, la Bibliobs nous rappelle que la loi ou le point Godwin est celui « que l'on marque quand, au cours d'une discussion qui dégénère, on en vient à invoquer le Troisième Reich ou la figure d'Adolf Hitler pour noircir son contradicteur, le disqualifier définitivement. Récolter un point Godwin revient donc à nazifier l'adversaire et de ce fait, le plus souvent, à se disqualifier soi-même tant le qualificatif semble exagéré, hors de proportion, ridicule. »

La mode veut maintenant que la nouvelle insulte soit de qualifier ses adversaires de Trump ou de Le Pen.

Un nouveau point Godwin. On modernise une approche détestable. Chroniqueurs, adversaires traitent ainsi la personne qui ne partage pas leur point de vue et hop, la discussion est close. Cela dit, l'autoproclamation ne vaut pas mieux.

On devrait pourtant y réfléchir à deux fois avant de répandre cette fâcheuse habitude. Elle ferme le débat et empêche tout échange. Qui plus est, les États-Unis ne sont pas le Québec. La France non plus.

Il est toujours utile de rappeler quelques faits. Le taux de chômage du Québec n'est pas celui de la France. Il est effectivement beaucoup plus bas : 6,9 % en septembre 2016 contre 9,7 % en France pour la même période. L'indice Gini, qui mesure le degré d'égalité ou d'inégalité, n'est pas non plus le même. Le Québec est la société la plus égalitaire des trois. Selon l'OCDE, en 2014, il était de 0,38 aux États-Unis, de 0,30 en France et de 0,29 au Québec. Comme le révélait cette semaine Statistique Canada, le 1 % québécois ne ressemble en rien à celui des États-Unis...

La liste de ce qui nous distingue est donc longue. L'accès à l'éducation, aux soins de santé, notre démographie, le rôle de nos soldats contre le groupe État islamique, nos propres enjeux associés à l'immigration sont autant d'éléments qui font que nos débats s'avèrent très différents. C'est sans compter notre tissu social et notre culture particulière.

Nous pourrions aussi parler de l'accès aux postes électifs. Contrairement à ce que l'on peut observer au sud de la frontière, pas besoin d'avoir des millions pour se porter candidat. Notre modèle politique permet à des travailleurs sociaux, des professeurs, des entrepreneurs et même à des étudiants de pouvoir siéger à l'Assemblée nationale.

Le Québec n'évolue cependant pas en vase clos. Le cynisme est bel et bien présent ici comme ailleurs. Bien qu'inquiétant, le décrochage politique y est pourtant moins important.

L'élection québécoise de 2014 a vu 71,43 % de ses électeurs se présenter aux urnes tandis que le taux de participation lors de la toute récente élection américaine fut sous la barre des 58 %...

Donald Trump a utilisé en grande partie le mensonge comme plateforme politique. Différents médias américains qui ont fait la vérification des faits ont constaté que pas moins de 70 % de ses affirmations étaient erronées. En comparaison, des chercheurs de l'Université Laval suivent les engagements électoraux de différents partis à Québec et à Ottawa. Contrairement à la perception, ils constatent que les élus d'ici en respectent la majeure partie.

Tout n'est pas parfait, le monde de l'emploi est en mutation ici aussi. Les services de l'État connaissent des ratés. Les délais de justice nous laissent perplexes. Les suivis aux recommandations à la commission Charbonneau sont trop lents. Mais laisser croire que la politique québécoise s'apparente à celle vécue aux États-Unis ou en France ne vise qu'à susciter la peur.

Rien ne nous permet de dire que notre réalité est celle de ces pays. Alors, pourquoi tenir absolument à comparer nos politiciens avec les leurs ? Trump et Le Pen sont des produits de leur propre société. Faire des tels amalgames avec le Québec relève malheureusement du simplisme politique et ne contribue nullement à changer le ton. Les sobriquets et les étiquettes sont des raccourcis aux débats que nous devons avoir la maturité de faire.