Dans la foulée des actes de violence sexuelle qui se sont déroulés sur le campus de l'Université Laval, quand des étudiantes ont été agressées pendant qu'elles dormaient et ensuite montrées du doigt sur les médias sociaux pour ne pas avoir verrouillé leurs portes, la communauté universitaire doit se réapproprier son rôle de leader en matière d'éducation. Cette affaire ne concerne pas uniquement les étudiants, mais toute la société.

On retrouve dans le débat public différentes opinions sur ce qu'est une réaction appropriée, respectueuse, adéquate et juste à des incidents de violence sexuelle sur des campus universitaires. Certains universitaires affirment que la régulation de la violence sexuelle risque de créer une bureaucratie du sexe qui mènera à un excès de réglementation pour des activités sexuelles consensuelles.

Devant l'intérêt que les cas d'agressions sur les campus universitaires canadiens ont suscité dans les médias, de nombreux établissements ont réagi par l'élaboration de politiques et la création de nouveaux postes. Certaines provinces souhaitent réglementer les politiques des universités, et les organisations étudiantes se mobilisent en vue de créer des ateliers sur le consentement et la responsabilité des témoins.

La colère des victimes reste toutefois entière, et la stigmatisation de celles-ci ainsi que la réaction lente et inadéquate des établissements ont fait naître des préoccupations.

Aux États-Unis, les lois Clery et Titre IX, qui protègent contre le harcèlement sexuel, ainsi que la décision de la Cour suprême dans le cas Davis c. Munroe obligent les universités à clarifier la notion de consentement dans le cadre de programmes d'éducation. Le jugement dans cette affaire a permis d'établir que l'inaction ou une réaction inadéquate à des situations de violence sexuelle créent un contexte d'apprentissage « délibérément dangereux » pour les étudiants.

De nombreuses universités américaines ont engagé des fonctionnaires pour donner une formation sur le consentement du point de vue de la santé sexuelle. Dans certaines universités, l'on tient compte de la consommation d'alcool pour définir les frontières du consentement et établir si cela a pu influencer le choix d'entreprendre une activité sexuelle. Certains soutiennent que s'il n'y a pas eu un acquiescement « enthousiaste », c'est qu'il s'agit d'un « non ! ».

Des chercheurs affirment que le consentement sexuel ne peut être ramené simplement à « non, c'est non » ou « oui, c'est oui ». Il existe des zones grises, comme avec ce qu'on appelle le « viol gris », où la victime accepte d'abord la relation sexuelle, puis ne s'y sent plus à l'aise, tout en considérant qu'il est trop tard pour changer d'idée (comme l'ont rapporté certaines plaignantes dans le cas Ghomeshi).

De tels cas peuvent être difficiles à présenter en cour ou dans le cadre d'une procédure administrative. On m'a demandé de me prononcer quant à la pertinence au Québec d'une campagne du genre No Means No. Je considère que tout programme qui propose des tactiques de défense contre les agressions sexuelles ne peut qu'être positif.

METTRE AU JOUR LA DISCRIMINATION

Cependant, si l'on souhaite réduire et prévenir la violence sexuelle dans une société de plus en plus multiculturelle et mondialisée (en ligne et hors ligne), il est essentiel de mettre au jour et de démonter les formes de discrimination croisées telles que le sexisme, la misogynie, le racisme et l'homophobie qui perpétuent et normalisent la violence sexuelle.

Il faut des efforts concertés pour développer la recherche et une meilleure compréhension des complexités de la culture du viol (terme féministe utilisé pour décrire les attitudes sexistes profondément inscrites dans l'humour, les sous-entendus, les paroles de chansons, la culture populaire, la publicité, le cinéma, le jeu et les médias), car les réactions disparates ne donneront jamais lieu à de réels changements.

De plus, il est important d'observer la transformation des normes sociales chez les jeunes de la génération Y qui ont grandi avec les médias sociaux, où la culture du viol peut facilement proliférer avec, entre autres, la cyberintimidation et le partage non consensuel d'images intimes. D'autre part, il faut souligner que de nombreux jeunes de cette génération militent pour offrir un soutien juste et respectueux aux victimes de violence sexuelle en exigeant (par des manifestations) que les agresseurs et les établissements rendent des comptes.

L'Université McGill a rassemblé 12 universités, 24 universitaires, spécialistes en droit et chercheurs ainsi que 25 partenaires de la collectivité et collaborateurs pour travailler sur un projet de sept ans subventionné par le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH) et qui vise à mettre au jour et à démonter la complexité de la violence sexuelle et à guider les universités vers des interventions rapides, justes, respectueuses et soutenues.

Des étudiants participeront à cette recherche ainsi qu'à l'élaboration de politiques et de programmes en travaillant avec des partenaires issus du monde juridique, des arts, de la culture populaire et des médias. Il nous faut oeuvrer ensemble dans le cadre d'un partenariat de longue durée pour arriver à définir des frontières qui permettront de prévenir la violence sexuelle.