Au Québec, une femme sur trois âgée de plus de 16 ans a été victime d'agression sexuelle. Une femme sur trois, cela signifie qu'il y a un nombre tout aussi choquant d'agresseurs.

La culture du viol existe bel et bien. Il y a les femmes meurtries à petites doses par les violences ordinaires, qui les obligent à changer la serrure de la maison, par peur que l'ex ne vienne les agresser ; celles qui, dégoûtées par le patron qui essaie constamment de les peloter, préfèrent démissionner ; les femmes qui n'en peuvent plus de se faire siffler dans la rue comme le chien du voisin ; celles droguées à leur insu au GHB.

Puis, l'histoire terrible d'une amie violée alors qu'elle était intoxiquée.

Elle m'a tout raconté, froidement, replongée dans le même état psychique que pendant le viol, son esprit envolé, détaché de son corps qui ne lui appartenait plus parce qu'un homme avait décidé de se l'approprier violemment pour assouvir ses pulsions les plus obscures. Un récit à glacer le sang.

Soudainement, les larmes ont surgi, non pas sur son visage, mais sur le mien. Moi, avec mes 6 pieds 4 pouces, ex-policier, coach de football, j'étais terrassé, impuissant devant ce qu'elle avait vécu. Une douleur si minime comparée à sa souffrance. Je prenais, une fois de plus, conscience de mes privilèges de mâle.

Cette culture du viol est intrinsèquement liée à celle du silence et nous y participons tous, particulièrement nous, les hommes. Toutes ces fois où nous offrons un verre à une femme avec l'idée de lui faire perdre la tête pour favoriser les rapprochements sexuels...

N'est-ce pas le type de masculinité qu'on nous apprend depuis l'adolescence : pour devenir un homme, en plus d'être fort, il faut par tous les moyens perdre notre virginité pour éviter la honte et être enfin un homme, un vrai ? Les mâles multipliant les conquêtes sont vénérés et enviés, alors qu'on diabolise les femmes qui en font autant.

Les films, les publicités, internet, la musique nous enfoncent dans la gorge l'objectification sexuelle de la femme. On colle aux femmes cette image à coup de milliards de dollars, invitant l'homme à les consommer comme une chose due, un corps procurant une gratification instantanée. Ce même corps dont sera si cruellement et violemment dépossédée mon amie. Les boys, réveillez-vous ! Nous avons tout faux !

Les articles et les commentaires sur les réseaux sociaux alimentent le préjugé qui veut que les femmes « auraient dû prendre les bons moyens » pour se protéger : promenez-vous avec vos clés bien hérissées entre vos doigts au cas où, ayez une amie alerte lors de soirées trop arrosées, soyez accompagnée pour un premier rendez-vous, ne vous habillez pas de manière trop suggestive, comme des policiers l'ont récemment conseillé à des élèves du collège Villa-Maria.

Le droit de cuissage du Moyen-Âge existe encore tandis que les hommes bénéficient toujours d'un passe-droit ! Comment s'étonner que plus de 90 % des victimes d'agressions ne portent pas plainte et se culpabilisent à tort, ébranlées à vie par le traumatisme subi ? Et je n'aborde même pas la violence du système judiciaire à l'égard des victimes d'agression sexuelles.

Moi, je pense à ma petite fille. Si j'infuse constamment en elle l'idée qu'elle peut se défendre contre les agresseurs, ne suis-je pas en train de lui dire qu'ultimement, elle sera l'unique responsable d'une possible agression ?

UN RÔLE À JOUER

La culture du viol a plusieurs visages. Nous avons tous un rôle à jouer : écouter les victimes, sermonner nos chums de gars qui font des blagues sexistes ou adoptent des comportements à la Marcel Aubut. Comprendre la véritable nature d'un consentement. Arrêter de nier l'existence de la culture du viol qui, bien sûr, ne fait pas de nous tous des agresseurs.

Mais arrêtons d'utiliser notre passe-droit, les boys, nous avons besoin d'assumer notre responsabilité en tant qu'homme et d'avoir cette conversation. Comme celle que je vais avoir avec mon petit bonhomme d'amour, un véritable superhéros en devenir.