L'éditorial de M. Cardinal a vu juste. Je voudrais rajouter quelques éléments supplémentaires sur cette question fort complexe.

Premièrement, la plus grande limite des études qui ont tenté de mesurer les effets économiques est d'ordre méthodologique : en effet, les études évaluatives se situent à court terme alors que les pleins bénéfices ne se manifestent qu'à moyen et long terme.

À court terme, statistiquement parlant, il est normal qu'un petit nombre d'immigrants comparé à l'ensemble de la population d'un pays ou même d'une région ait un impact marginal sur les valeurs moyennes globales (par exemple le PNB, les taux de chômage, etc.).

Deuxièmement, pour véritablement mesurer l'impact économique de l'immigration, il faudrait poser la question autrement. Que serait-il arrivé si certaines entreprises, voire certains secteurs, n'avaient pas eu accès à une main d'oeuvre migrante ?

Même s'il n'est pas facile de répondre statistiquement à cette question, on peut néanmoins établir certaines balises. Prenons par exemple le cas des entreprises agricoles. Il est reconnu que sans la main d'oeuvre mexicaine aux États Unis, l'industrie agroalimentaire n'aurait pu survivre. L'impact ne se mesure donc pas en considérant uniquement les travailleurs mexicains, mais l'ensemble des acteurs impliqués dans cette industrie : par exemple, les autres travailleurs nationaux qui perdraient leur emploi et tous les services connexes (transports, transformation, ventes en gros et en détail, etc.). On peut penser que l'impact serait énorme.

L'exemple des travailleurs temporaires dans le secteur agricole au Québec est également intéressant à considérer. Ce sont les employeurs eux-mêmes qui font pression sur les gouvernements (fédéral et provincial) pour mettre sur pied des programmes de recrutement de travailleurs sans lesquels ils devraient fermer boutique ou vendre leurs produits trois à quatre fois plus chers sur le marché, ce qui les rendrait non compétitifs.

Que l'on soit d'accord ou non avec la migration temporaire, personne ne contesterait l'impact économique positif de ce type de migration.

D'ailleurs, on peut généraliser « l'approche par employeurs » à l'ensemble de la politique d'immigration canadienne : les employeurs ne cessent d'exprimer l'existence de pénuries de main-d'oeuvre ; ils se plaignent que les mécanismes actuels de sélection sont lents et inefficaces ; et le gouvernement a répondu en changeant la politique d'immigration afin de donner plus de place aux employeurs dans le processus de sélection (place qu'ils occupent déjà, voire monopolisent, dans le cas des travailleurs temporaires).

Une autre donnée mérite d'être signalée. En effet, compte tenu des discours négatifs en vogue concernant l'immigration, on pourrait s'attendre à ce que la proportion des pays adoptant des politiques plus restrictives en matière d'immigration augmente avec le temps. Or, ce n'est pas le cas, loin s'en faut.

Selon le dernier rapport des Nations unies (2013) sur les politiques migratoires dans le monde, la proportion des pays développés qui visent à réduire l'immigration était de 60 % en 1996, mais seulement de 10 % en 2011.

Pourquoi ? Parce que la vaste majorité des pays considèrent qu'ils ont besoin de l'immigration. Le Québec ferait exception ?

En terminant, un mot sur l'intégration. Mes travaux avec Jean Renaud ont montré que malgré une discrimination réelle subie en début de parcours, les immigrants avec le temps arrivent à « bien » s'intégrer sur le marché du travail, quelle que soit leur origine nationale. Si cette discrimination n'existait pas, l'impact économique serait encore plus positif.