Le consensus est qu'Hillary Clinton a gagné largement le premier des trois débats contre Donald Trump et cela arrive à point nommé.

La glissade qu'elle subissait dans les sondages jusqu'alors pourrait être enrayée et permettre à la candidate de pouvoir amorcer une belle remontée, surtout si elle fait aussi bien lors des prochains débats et que M. Trump fait aussi mal. Tout cela est de bon augure pour Mme Clinton et son succès peut lui permettre de réaliser plusieurs objectifs cruciaux pour remporter la présidentielle du 8 novembre.

HILLARY MÈNE LE JEU

Hillary Clinton a réussi à définir la discussion et, plus encore, à définir son opposant beaucoup mieux qu'il a été capable de le faire lui-même. Ce débat a été l'un des rares depuis des décennies à trancher aussi clairement entre deux programmes aussi contrastés. Pas de « bonnet blanc, blanc bonnet » cette fois. Hormis le segment sur le commerce où Mme Clinton a connu des ratés, le reste des 85 minutes a quasiment entièrement été dominé par les prises de position raisonnées et convaincantes de la candidate démocrate.

Trump s'est enfermé dans ses explications et, surtout, n'a sans doute pas conquis les électeurs non convaincus.

C'est là, à mon avis, que Mme Clinton a marqué des points importants pour accomplir son deuxième objectif.

CONVAINCRE LES INDÉCIS

L'enjeu du débat, difficilement quantifiable, consistait - et consistera encore dans les deux prochains - à gagner les électeurs indécis. Ce sont eux qui déterminent le gagnant du scrutin présidentiel. La dernière fois où l'on a pu se passer des indécis remonte à 1984 ! C'est tout dire.

Qui plus est, ce sont les indécis dans une poignée d'États clés (notamment autour des Grands Lacs, mais aussi la Pennsylvanie, la Virginie, la Floride et - peut-être l'État cette fois qui pourrait déterminer l'élection - le Colorado) que Mme Clinton devait et doit gagner absolument. Tous ses messages lancés lundi soir les visaient. Elle a probablement convaincu un peu plus d'indécis à voter pour elle plutôt que pour M. Trump en raison de son assurance, de son sérieux et de ses accusations contre le républicain (en particulier sur ses lacunes financières et son absence de divulgation de déclarations d'impôts). Parmi les indécis, un troisième objectif précis était visé.

LES HISPANIQUES ET LES AFRO-AMÉRICAINS

Parmi les indécis dans les États mentionnés (pensez juste à la célèbre Floride), deux clientèles pourraient faire toute la différence si elles décidaient de voter massivement comme en 2008 et, dans une moindre mesure, 2012 :  les Hispaniques et les Afro-Américains. Encore faut-il que Mme Clinton fasse sortir leur vote. Le débat lui a sans doute permis de progresser davantage, d'une part en rappelant aux premiers le traitement défavorable que leur a fait M. Trump, et aux seconds que les solutions de ce dernier non seulement ne fonctionnent pas, mais qu'elles sont dangereuses. 

Si ces deux clientèles votent en faveur de Mme Clinton, ne serait-ce que moins massivement qu'elles l'ont fait pour Obama, dans les États clés notamment, on ne voit pas comment la candidate démocrate peut perdre la présidentielle.

Encore moins si elle parvient à réaliser son quatrième et dernier objectif.

LA RECONQUÊTE DES ÉLECTEURS

M. Trump doit son succès à l'électorat blanc, moins éduqué et principalement masculin. La surprise des dernières semaines a été de constater que l'électorat blanc - hommes et femmes - plus éduqué s'est mis à regarder de plus près le républicain et y trouver un certain attrait, en raison des faiblesses (pas seulement médicales) et d'une absence de confiance envers Hillary Clinton.

Si le débat a accompli le plus grand objectif, c'est qu'il a permis à Mme Clinton de reconquérir, à mon avis, une majorité de cet électorat hésitant envers sa candidature et poussé, par dépit ou par défaut, à considérer M. Trump. Sa réplique sur sa préparation au débat et à la présidence fut un bijou de conviction susceptible de charmer cet électorat (tout particulièrement féminin), qui peut s'identifier dans ce propos plus qu'à ceux évasifs et mous du républicain.

Les espoirs demeurent bien réels que Mme Clinton parvienne à convaincre les indécis que M. Trump n'est qu'une mascarade au mieux, un danger d'instabilité au pire et - en effet - peu présidentiable. Dommage que les élections n'aient pas lieu maintenant et qu'il faille attendre encore six semaines. Encore trop de temps, hélas, pour des soubresauts et des imprévus dont Mme Clinton se passerait bien. Et que M. Trump voudra assurément exploiter.