Avec l'entente intervenue dernièrement, le gouvernement du Québec et la multinationale Uber ont mis fin à un feuilleton de plusieurs mois.

On sait maintenant qu'un projet-pilote sera mis en place d'ici janvier, ce qui devrait permettre de régulariser une situation qui ne pouvait plus durer. En effet, cette cohabitation entre deux approches de transport des personnes si diamétralement opposées était devenue intenable.

Ce n'est pas tant que la poursuite des activités de taxi dites « traditionnelles » ne soit pas compatible avec l'essor d'un nouveau modèle qui mise sur le partage de l'utilisation des voitures. Seulement, avec Uber, ce n'est pas à de l'économie du partage que nous avons affaire, mais bien à une multinationale qui, partout où elle pose ses pénates, agit dans le plus grand mépris des lois. Et c'est là que les problèmes commencent.

Comment en effet applaudir une entente qui, au fond, vient reconnaître la légitimité d'un modèle d'affaires qui se nourrit tout autant de l'inaction des gouvernements et des zones grises réglementaires ?

Parce qu'il est là, le problème. Ce n'est pas que les détails de l'entente n'aient pas leur importance. On peut à juste titre s'inquiéter pour l'avenir des chauffeurs de taxi qui verront la valeur de leur permis acheté au fort prix fondre comme neige au soleil. Mais il est encore plus alarmant de voir le gouvernement venir régulariser les activités d'Uber pour en faire une entreprise respectable, normale.

L'idée ici n'est pas de s'acharner sur une « méchante multinationale » ou de s'opposer à de nouvelles pratiques innovantes. Mais il faut reconnaître avec quel acteur économique le gouvernement vient de signer une entente pour lui permettre de travailler sur son territoire.

Uber va désormais prélever les taxes sur chacune des courses de ses « chauffeurs ». Cela est bien, mais cela ne change rien au fait que l'entreprise n'a aucunement l'intention de payer ses arriérés en cette matière. Son plan d'affaires a justement été bâti pour tâcher de contourner les lois fiscales. Et à ce jeu, disons que ses filiales aux Bermudes lui donnent une longueur d'avance sur Québec...

UNE ENTREPRISE PRÉDATRICE

Rappelons aussi qu'Uber se nourrit à même la précarité du travail qu'elle impose à ses employés (qu'elle préfère nommer « conducteurs-partenaires »). Contre 20 % du prix de chaque course, ceux-ci fournissent le matériel (la voiture) et le temps nécessaire au service (conduire sur demande une personne du point A au point B). Uber ne prend aucun risque ni aucune responsabilité. Si un chauffeur Uber tombe malade en raison du travail ou brise sa voiture lors d'une course, l'entreprise aura encore beau jeu pour regarder ailleurs et faire comme si elle n'avait rien à y voir.

L'entente conclue entre Québec et Uber aura donc le mérite de mettre fin à une période de flou. Mais en signant ce pacte, le gouvernement révèle en fait qu'il n'a jamais vraiment voulu envisager une remise en question du « modèle Uber ». Depuis le début de cette saga, le premier ministre s'est enfermé dans une attitude du type « on n'arrête pas le progrès » quand au fond, sous les habits respectueux de l'avancée technologique, se cache en fait une entreprise prédatrice.

Pour l'avenir, espérons que le gouvernement saura se donner les moyens de mieux défendre les lois dont il assure l'application. Si on se fie à la manière dont Uber s'est comportée par le passé, rien n'indique qu'ils ne respecteront d'eux-mêmes le nouveau cadre règlementaire.