Les dernières rondes de coupes en éducation ont fait mal. Elles se sont traduites par de réelles diminutions de services pour les élèves les plus à risque et rien dans la rhétorique du retour à l'équilibre budgétaire ne peut justifier cela.

Des commissions scolaires ont fait des choix budgétaires déchirants et on a poussé l'odieux jusqu'à leur reprocher d'avoir recyclé l'argent destiné à l'aide aux devoirs pour amoindrir l'effet des compressions.

Ce qui revient à dire qu'on a montré du doigt des décideurs locaux parce qu'ils ont sacrifié en partie un programme pour aider les jeunes à faire leurs devoirs alors que la recherche sur les devoirs au primaire nous apprend qu'ils sont sans effet sur la réussite. On les accuse d'avoir coupé une mesure inefficace pour tenter de maintenir ouvertes des classes spécialisées ou des postes de professionnels ! Voilà où on en est rendu : défendre l'indéfendable et l'inefficience.

Les coupes ont fait mal, mais les mauvais investissements aussi, et depuis longtemps.

Je soumets cet exemple : le Québec, selon les normes de l'OCDE, compterait plus de 50 % d'analphabètes fonctionnels. Ce qui veut dire, en termes simples, qu'un adulte sur deux a de la difficulté à comprendre ce qu'il lit. Tout l'argent qu'on a investi pour apprendre à lire à nos enfants est donc loin de rapporter les dividendes anticipés.

PRIORITÉ LECTURE

Parler de l'échec de nos politiques publiques en littératie est un euphémisme. Alors, pourquoi ne pas considérer l'urgence de revoir nos programmes d'études en lecture de la maternelle 4 ans à la 2e année ? Pourquoi ne pas nous donner comme cible nationale que tous les enfants sachent lire à la fin de la 1re année ? Les programmes d'études actuels en littératie accusent un retard important par rapport aux connaissances scientifiques, et cela a des conséquences majeures.

Il faut appuyer le développement de politiques publiques en éducation sur des données probantes, issues de la recherche : quels sont les principaux déterminants de la réussite scolaire ? Quels sont les principes à la base des programmes qui donnent des résultats ? Que fait-on dans les commissions scolaires efficaces et qu'on ne fait pas dans celles qui le sont moins ? Que nous apprend la recherche sur la place et le rôle des élus scolaires dans les systèmes scolaires performants ? Comment concilier une plus grande autonomie pour les écoles tout en maintenant une commission scolaire responsable de fixer des orientations régionales, d'arbitrer les différends et de répartir équitablement les ressources ?

Les connaissances qui nous permettraient d'améliorer la réussite de tous nos élèves existent. Il faut réinvestir en éducation, mais cela ne doit pas se faire au goût du jour.

Le Québec a besoin de se doter d'un Institut scientifique national d'éducation neutre et indépendant.

Celui-ci pourrait conseiller les enseignants, les directions d'écoles, les élus scolaires, le gouvernement et le public sur les approches les plus efficaces dans le domaine de l'enseignement, de l'administration scolaire et du développement des politiques.

Le Québec veut se donner une politique nationale d'éducation. Celle-ci devra prendre appui sur des données probantes, des évaluations indépendantes et faire table rase des préjugés, des clichés faciles et des croyances erronées.

Avec la mise au rancart du projet de loi 86, le ministre de l'Éducation nous a évité de stériles débats de structures. Parler de structures dans le contexte actuel, ç'aurait été s'épuiser à placer en lignes bien droites les chaises longues sur le pont du Titanic pendant qu'il coule.