De nombreuses critiques ont été adressées aux partenariats public-privé (PPP) pour la réalisation d'infrastructures publiques. La pertinence de ce procédé a été amplement débattue au Québec, en particulier lorsque le gouvernement Charest a mis de l'avant ce modèle de financement pour la construction des deux superhôpitaux universitaires de Montréal.

Le discrédit a depuis été jeté à plusieurs reprises sur ces ententes en particulier. La formule du PPP s'est notamment retrouvée au coeur de la commission Charbonneau, révélant au passage des affaires de corruption faisant passer le Québec pour une république de bananes. Les discussions et enquêtes subséquentes n'ont certainement pas assez insisté sur l'opacité comme élément facilitateur des cas de corruption.

Or, les PPP institutionnalisent l'opacité.

Une donnée cruciale pour évaluer le coût d'un projet financé en PPP est le montant des « paiements unitaires ».

Ces paiements sont une sorte de loyer mensuel ou annuel que l'État paie au partenaire privé. Au terme de la durée de l'entente, habituellement une trentaine d'années, l'État redevient gestionnaire de l'infrastructure financée.

Durant plusieurs années, l'IRIS a cherché à obtenir le montant des paiements unitaires dans le cas des PPP du CHUM et du CUSM. En réponse à une demande d'accès à l'information réalisée six semaines plus tôt, le responsable des communications de la « Modernisation des centres hospitaliers de Montréal » nous a informés, en juin, qu'il devait « demander aux consortiums privés » l'autorisation de nous répondre. Six autres semaines plus tard, on nous a informés tout bonnement (et sans surprise) que les partenaires privés refusent de divulguer cette information.

Il s'agit pourtant d'informations de base sur les sommes que nous verserons sur le long terme pour les projets d'infrastructures les plus coûteux de l'histoire du Québec. Est-ce vraiment trop demander ?

Surprise, quelques semaines plus tard, le directeur Clermont Gignac communique à La Presse une partie de l'information qu'on nous avait refusée malgré la Loi sur l'accès à l'information. On a alors appris que le montant du paiement unitaire que le gouvernement versera au consortium privé du nouveau CHUM s'élèvera à « 12 à 14 millions par mois ». Cette somme correspond à l'un des scénarios élaborés par l'IRIS lorsque nous avons cherché à estimer les économies que pourrait réaliser le gouvernement advenant un rachat des contrats en PPP.

RACHATS PAYANTS

On peut désormais estimer plus précisément qu'en fonction d'un taux d'actualisation qui varie entre 6 et 3,5 %, l'État québécois pourrait épargner entre 123 et 856 millions s'il rachetait ces contrats. Les scénarios élaborés par l'IRIS étaient prudents en dépit de la laborieuse expérience des PPP en Europe où des États se retrouvent à payer, au terme du contrat, jusqu'à 10 fois le coût de construction d'une infrastructure.

M. Gignac se veut rassurant et affirme qu'il n'y aura pas de dépassement de coûts. Selon lui, les travaux seront bien faits parce des ingénieurs du public sillonnent le chantier. Le chantier du CHUM reproduit par là l'une des caractéristiques agaçantes des PPP, à savoir que pour garder une chance qu'ils fonctionnent, il faille mettre sur pied des équipes d'experts pour surveiller le partenaire privé.

À ce compte-là, pourquoi diable s'embarrasse-t-on d'un partenaire privé ?

Si les PPP ont un rôle lamentable dans la « plus grande fraude de l'histoire du Canada », qu'ils s'accompagnent de litiges en série à cause de partenaires qui veulent soutirer toujours plus d'argent au gouvernement, qu'ils suscitent mille inquiétudes sur la qualité des travaux et la viabilité des partenaires, qu'ils ont fait l'objet d'échecs retentissants à l'étranger et qu'ils tiennent en plus les citoyens dans le noir, ne devrait-on pas s'empresser de trouver le moyen de rompre au plus tôt avec cette façon irresponsable de gérer nos hôpitaux ?