Parcourant les nouvelles, assis dans un café l'autre jour, je tombais encore sur plusieurs articles où il était question des traitements insuffisants reçus par nos doyens dans les maisons d'hébergement et les CHSLD du Québec.

J'avais beau m'en indigner, je ne m'en étonnais pas. Avec une population vieillissante et un effritement continuel de nos investissements en santé, il faut dire que ces infortunes risquent d'arriver de plus en plus. Reste que, sur le coup, cela me fit penser à ma grand-mère ; c'est qu'elle avait été admise deux fois à l'hôpital dernièrement et je commençais à m'en faire pour elle. Cette problématique, sociétale à première vue, était soudainement devenue pour moi beaucoup plus personnelle.

Sans pouvoir me l'expliquer, j'étais donc sorti du café afin d'entamer une errance dans les rues de ma ville. Quelques minutes plus tard, je traversai presque machinalement les portes de l'Hôpital général de Québec, où se trouve une unité de soins de longue durée.

Je marchais dans les corridors d'un pas assuré et on ne me posait pas de questions. On aurait dit que je savais où je m'en allais, mais en vérité je n'en avais aucune idée. J'observais tous ces patients bien ancrés dans leurs lits ou leurs chaises. Certains parlaient ensemble, s'obstinaient ou se racontaient des histoires, d'autres regardaient la télévision. Rien qui sortait de l'ordinaire. Même qu'ils étaient drôles à voir aller.

Il y avait toutefois, à l'angle d'un couloir donnant sur un passage ajouré, cette vieille dame qui ne disait rien et qui restait assise, immobile.

Elle m'avait jeté un regard triste avant de se retourner vers une fenêtre par laquelle on voyait un arbre et quelques voitures passantes. J'eus l'impression un instant qu'elle avait essayé de me sourire et qu'elle en avait été incapable.

Une fois sorti de l'hôpital, la poitrine serrée, je ne pensais plus à autre chose qu'à cette vieille dame et à sa solitude. J'essayais de m'imaginer sa vie ; les temps de bonheur qu'elle avait sans doute passés près d'un lac ou entourée d'une famille s'égayant aux jours de fête. Qui sait combien d'entre eux sont partis à l'heure qu'il est ?

Et voilà que du haut de tout ce vécu hypothétique, elle se retrouvait là, à contempler l'effilement de sa vie à travers un cadre de fenêtre suranné.

Comme si c'était désormais le seul vestige qui lui offrait encore le spectacle d'une humanité en mouvement.

Pendant ce temps, les nouvelles lues au café me revenaient en tête. On nous parle dans les médias de patients agressés, d'autres négligés. Il semblerait que nos CHSLD n'aient pas les moyens de leur fournir plus d'un bain par semaine et qu'ils ne disposent que de 2,17 $ pour chaque repas.

Je songeais à la façon dont notre ministre de la Santé a l'habitude de répondre aux questions que nos journalistes lui posent sur le sujet, n'étant pas sûr, au fond, si ce sont ses arguments ou l'attitude avec laquelle il nous les livre qui me dérangent le plus.

Allez savoir, peut-être faudrait-il utiliser une approche différente dans nos questions à la classe politique. Leur demander par exemple : « Ne croyez-vous pas que la beauté de la vieillesse réside dans sa dignité, et qu'une société doit être bien indigne pour la refuser à celles et ceux qui l'ont mise au monde ? »

Mais à l'heure où tous nos maux sociétaux peuvent être mis sur le dos de la politique, il m'a semblé que nos politiciens sont devenus des proies trop faciles. Sans parler du fait que c'est nous avant tout qui les avons élus ; il se trouve derrière eux une culture de l'insouciance qu'il nous appartient aussi de changer.