J'étais bien installé dans mon divan, mercredi soir dernier, en pleine canicule, avec un ventilateur tournant à pleine capacité à deux pieds de mon visage.

J'attendais la finale en natation à relais 4 x 200 m féminin style libre, que René Pothier annonçait depuis le début de la soirée avec sa fougue habituelle.

Jusqu'à ce soir-là, je ne suivais les Jeux olympiques que d'un oeil, mais un nom commençait déjà à devenir familier : celui de Penny Oleksiak. Elle nageait quatrième de son équipe, et a permis au groupe de récolter le bronze grâce à une remontée étonnante. Ma ferveur olympique avait trouvé un point de mire.

Cette ferveur, jusque là, je la retenais. Tous les matins, depuis quelques semaines, mon fil Facebook se remplissait de tous les arguments habituels contre l'événement. Les raisons évoquées par ces critiques sont bien connues et largement fondées, mais presque toujours évoquées sans nuances.

On dénonce ce genre de rendez-vous sportif à cause de la corruption, du dopage, du trop grand rôle des commanditaires, de l'oubli des populations locales, du gommage des problématiques de racisme et de sexisme par l'image faussée d'une humanité réunie et heureuse. Les Jeux olympiques, en un mot, seraient un mensonge.

Pourtant, quand Oleksiak a touché le mur en troisième, ce soir-là, j'étais ému. Épuisée, elle peinait à accepter les félicitations de ses coéquipières. Une médaille de bronze ressemble parfois à une victoire et parfois à une défaite. Celle-ci était définitivement une victoire, disait Pothier. En voyant sourire la nageuse sur le podium, il m'est venu la réflexion suivante : peut-il exister un point de vue nuancé sur les Jeux ? Est-on nécessairement soit dans la critique pure, soit dans la célébration aveugle ?

D'une part, on aime regarder le monde du sport, et plus particulièrement le sport de performance, de haut. On aime faire comme si le sport était insignifiant.

Le monde du sport serait, au mieux, un échappatoire temporaire et au pire, le fleuron de vies insignifiantes. On se moque de quiconque considère la performance sportive comme étant de quelque façon importante.

D'autre part, on fait comme si l'image de marque des Jeux devait être gobée tout rond, défendant l'humanisme, le progrès, et mille autres idées léguées par la tradition philosophique occidentale d'avant le XXe siècle.

SOURCE D'HUMANISME

De part et d'autre du débat, je crois qu'on a terriblement tort. J'invite donc les éditorialistes du dimanche, les intellectuels de salon et les pamphlétaires de tout acabit à nuancer leurs opinions, de grâce.

Le sport est effectivement une source d'humanisme. C'est aux Jeux de 1900 à Paris, par exemple, qu'on a commencé à donner une place aux femmes. C'était d'abord limité à quelques disciplines, mais c'était un début. Et cela s'est fait 45 ans avant que la France ne donne le droit de vote aux femmes. Mais le sport nourrit aussi l'exclusion et l'inégalité, balayant les problèmes profonds secouant actuellement le Brésil.

Quand je regardais la jeune nageuse en entrevue, après sa performance au relais, j'entendais, dans son sous-texte, les aspirations humanistes à la base de Jeux. Qu'une grosse machine tente, et réussisse à bien des égards à parasiter, cela est inévitable. Mais l'aspiration de base demeure inchangée : un peu plus haut, un peu plus loin. Bravo, Penny.