Au moment où le gouvernement Trudeau s'attaque aux enjeux et engagements les plus pressants, la sécurité nationale doit être au sommet de ses priorités.

Depuis les attaques d'octobre 2014 au Canada, de nombreux attentats terroristes ont eu lieu dans le monde, notamment ceux de Paris et de San Bernardino, sans oublier la perte de sept Canadiens lors des agressions au Burkina Faso et à Jakarta. Selon nous, l'ampleur et la complexité des menaces ont rarement été si grandes.

Le gouvernement cherche des moyens de rehausser les mécanismes d'examen et de surveillance, et s'est engagé à régler les « aspects problématiques » du projet de loi C-51. Le gouvernement doit donc s'attaquer aux enjeux suivants.

REDDITION DE COMPTES ET CAPACITÉS

Le temps est venu pour le Parlement de revoir le travail des organismes canadiens de renseignement. L'évolution vers de nouveaux mécanismes doit cependant se faire dans le respect de l'équilibre entre, d'une part, la nécessité d'une procédure « d'examen » efficace et responsable s'appuyant sur une reddition de comptes appropriée et, d'autre part, l'obligation de fournir aux organismes de sécurité du Canada les outils dont ils ont besoin pour contrer les menaces en émergence.

ACCÈS LÉGAL AUX COMMUNICATIONS

Les menaces à la sécurité se mondialisent et les enquêtes des organismes de sécurité sont souvent entravées par le recours croissant à l'internet et par l'évolution des technologies de chiffrement. Les multiples possibilités qu'offre « l'internet clandestin » aux auteurs de menaces constituent une préoccupation grave et légitime que nous devons contrer avec la même vigueur que celle que nous mettons à protéger la vie privée de nos concitoyens.

PARTAGE DE L'INFORMATION ET COLLABORATION

Les attentats perpétrés à l'étranger témoignent du danger de l'absence d'une communication opportune de l'information entre les organismes de renseignement. La révision des améliorations aux dispositions du projet de loi C-51 sur le partage de l'information devrait mener au maintien de certains des nouveaux pouvoirs d'enquête prévus tout en garantissant en contrepoids le respect des attentes raisonnables de protection des renseignements personnels que nourrissent les Canadiens. Plus important encore, le gouvernement doit s'attaquer aux difficultés auxquelles se heurtent constamment les organismes de sécurité au moment d'utiliser en preuve les renseignements amassés.

PROTECTION DES FRONTIÈRES

Malgré d'importants investissements dans la gestion de ses frontières, le Canada continue de se démarquer négativement de ses alliés par son incapacité à contrôler les sorties de son territoire. Il est urgent et crucial pour sa sécurité que le Canada se dote des moyens de surveiller les déplacements des combattants étrangers et des marchandises dangereuses depuis son territoire.

DÉRADICALISATION

La radicalisation doit être enrayée ici, dans nos communautés, avec l'aide des différents ordres de gouvernement. Par ailleurs, la formulation d'un discours antiradicalisation capable de contrer celui de l'extrémisme violent ne doit pas être considérée comme une responsabilité exclusive des organismes de sécurité. La déradicalisation sera une bataille idéologique qui ne peut être gagnée qu'avec la collaboration de la société et qui exigera le recours à des stratégies de marketing commerciales.

RÔLE INTERNATIONAL DU CANADA

Les organismes qui assurent la sécurité nationale doivent disposer de moyens pour travailler efficacement à l'étranger. Le moment nous paraît idéal pour ouvrir le débat sur la pertinence de doter le Canada d'un service de renseignement à l'étranger afin de réduire sa dépendance aux agences de pays tiers.

CYBERRÉSILIENCE

Les cybermenaces minent notre compétitivité et compromettent la sécurité de renseignements personnels des Canadiens. Les pays hostiles qui volent notre propriété intellectuelle ou ciblent nos infrastructures vitales et les groupes criminels qui pillent les banques de données créent quotidiennement un tort immense aux Canadiens. Le Canada doit donc acquérir une plus grande cyberrésilience, tant dans le domaine privé que public.

PARTENARIATS PUBLICS-PRIVÉS

Vu la complexité et l'interconnexité des menaces qui pèsent sur le Canada, il faudra accepter de majorer nos investissements pour nous doter de systèmes perfectionnés d'analytique des données, et plus particulièrement de systèmes d'analytique prédictive.

Le nouveau gouvernement a promis le vrai changement. Celui-ci doit inclure une réponse efficace aux problèmes de sécurité et de sûreté du Canada qui préservera les droits et libertés fondamentaux.

Il serait vain de se contenter d'apporter de légers ajustements au projet de loi C-51 ou de mettre en place un mécanisme d'examen parlementaire. Les circonstances auxquelles est confronté notre pays exigent une modernisation en profondeur de toutes nos institutions cruciales, surtout de celles dont la mission est d'assurer notre sécurité.

* Luc Portelance est président et chef de la direction de CrossPoint Integrated Strategies et ancien président de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC). Il est aussi ancien directeur adjoint, Opérations, du SCRS. Raymond Boisvert est président et chef de la direction de I-Sec Integrated Strategies et ancien directeur adjoint, Renseignements, du SCRS.