Lundi dernier, la Colombie-Britannique célébrait une victoire hors du commun. L'achèvement ultime d'une entente pour la conservation de la forêt du Grand Ours, qui a fait le tour du monde.

La forêt du Grand Ours est réputée pour ses paysages charismatiques - et, à partir de maintenant, pour être un précédent mondial pour la conservation. Néanmoins, la forêt du Grand Ours a des origines qui ne sont pas si différentes de ce que nous vivons au Québec.

On peut dire de tous ceux qui se sont acharnés à trouver des solutions, alors qu'ils étaient sur un territoire miné par l'opposition, qu'ils se sont surpassés. Il est juste de rappeler qu'il n'y a pas si longtemps, c'est la confrontation qui régnait entre eux. 

Puis, en début de semaine, entreprises, gouvernements, scientifiques, Premières Nations, communautés locales et écologistes de cette province côtière se rassemblaient pour célébrer, ensemble, leurs réalisations.

Et ils ont de bonnes raisons d'être fiers de leur exploit.

Des 6,4 millions d'hectares qui forment la forêt du Grand Ours, 2,4 millions d'hectares sont formellement protégés. On estime que chaque hectare de forêt pluviale tempérée de la région renferme 1000 tonnes de carbone. Tout comme la forêt boréale plus près de chez nous, la forêt du Grand Ours joue un rôle essentiel pour stocker du carbone, tel un bouclier contre les changements climatiques. Au total, c'est 85 % de la forêt du Grand Ours qui est hors limite de toutes activités forestières industrielles.

L'IMPORTANCE DES INDUSTRIES

Comment ces partis diamétralement opposés ont-ils réussi à s'entendre ? Il importe de mettre en lumière le rôle des grands clients commerciaux de produits forestiers. Ces champions de l'arrière-scène ont joué un rôle critique pour forcer la collaboration, créer des incitatifs à la reddition de compte et exiger des résultats. Ce sont eux qui ont motivé les partis à coopérer et être ouverts à des solutions créatives. Ce sont de grands acheteurs de pâte, de papier et de bois, des éditeurs, des imprimeurs, des maisons de publication, de grands détaillants de la rénovation et des entreprises de mode. Au cours des années, ils ont engagé un dialogue avec leurs fournisseurs, avec les écologistes et avec le gouvernement de la Colombie-Britannique, exhortant toutes les parties vers la recherche de solutions.

Des solutions qui assurent l'intégrité écologique, soutiennent des collectivités vibrantes et permettent de développer une économie durable.

Ici, au Québec et en Ontario, pourquoi ne pas appliquer ces principes si simples, dans notre mer d'épinettes et autres résineux de la forêt boréale riche en carbone, et livrer des résultats ?

En mai dernier, lors d'une table ronde virtuelle qui réunissait une quarantaine de ces grands acheteurs de produits forestiers de partout sur la planète, le ministre des Forêts de la Colombie-Britannique soulignait que les nouveaux plans d'aménagement de la forêt du Grand Ours causeraient une baisse de possibilité forestière de l'ordre de 40 %. Il a présenté cette nouvelle ébauche de la réglementation avec fierté, conscient de la valeur de la conservation pour l'image et la réputation de sa province, un atout pour la compétitivité de l'industrie forestière de la région sur les marchés mondiaux.

PENDANT CE TEMPS, AU QUÉBEC...

Cette position est si éloignée de la polarisation actuelle du débat qui contamine le Québec forestier, où, presque toutes les semaines, les médias régionaux juxtaposent la création d'aires protégées et les pertes d'emplois, la conservation du caribou forestier et les fermetures d'usines, les intérêts des écologistes contre les intérêts des industriels. Une situation qui a forcé les syndicats des travailleurs à exiger une trêve, et la haute direction du standard de certification internationale du Forest Stewardship Council (FSC) à en appeler d'un processus de médiation.

Le premier ministre Couillard a pourtant indiqué, lors de son récent remaniement ministériel, que : « notre économie, elle doit être basée sur les principes du développement durable. Une chose est de plus en plus claire : ce qui est bon pour l'environnement est bon pour l'économie... »

Voilà le sentiment qui était au coeur de l'entente de conservation de la forêt du Grand Ours, et de sa mise oeuvre. Il n'y a aucune raison de ne pas, à notre tour, faire de la protection de la forêt boréale la prochaine terre d'accueil pour une solution d'envergure internationale.

L'achèvement de la conservation de la forêt Broadback et du secteur des Montagnes Blanches, soit la protection des deux grands secteurs de forêts intactes les plus prometteurs au Québec, est à portée de main.

La collaboration, la persévérance, la ténacité et l'ouverture peuvent conduire à ce que l'impossible devienne réalité.