Le pelletage est une activité d'actualité au Québec. Nous ne faisons pas ici référence à ce geste quotidien de nos rudes hivers québécois, mais plutôt à l'expression populaire représentant le fait de rejeter la responsabilité sur quelqu'un d'autre au lieu de trouver une solution logique, juste et équitable.

Lors de l'annonce de son entente de principe avec le gouvernement, le Dr Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), a malheureusement illustré à merveille le sens de cette expression.

Nous apprenions le 30 décembre dernier, entre deux bouchées de bûche, qu'une entente de principe avait été conclue entre le gouvernement du Québec et la FMOQ. Bien que les détails ne soient pas entièrement disponibles à l'heure actuelle, cette entente reflète la volonté des membres de la FMOQ de déléguer la grande partie de la prise en charge des patients aux futurs médecins de famille au lieu de se répartir la tâche de façon proportionnée.

De plus, le ministre de la Santé exige entre autres une diminution de 20 % des effectifs en médecine familiale dans les établissements de santé. On y mentionne que les médecins de famille actuellement en poste pourront continuer à oeuvrer en hôpital. Toutefois, la réalité est tout autre pour les futurs médecins complétant leur formation et se cherchant un poste : il ne sera possible d'obtenir un poste dans un milieu hospitalier qu'au cas par cas, et le remplacement des médecins partant à la retraite dépendra d'une décision ministérielle. Au-delà des mots rassurants prononcés par le Dr Godin, la réalité vécue par les résidents est tout autre.

Les médecins résidents détiennent un double statut de stagiaire et d'employé des établissements de santé. À ce titre, ils dispensent des soins à la population du Québec en moyenne 72 heures par semaine, dans des établissements de santé situés dans toutes les régions du Québec, et ce, souvent en première ligne. En plus d'offrir des services à la population durant toute la durée de leur résidence ainsi que compléter leur formation spécialisée, les médecins résidents effectuent également de la recherche et de l'enseignement. En assumant cette lourde charge de travail, ils doivent aussi vivre avec un niveau de stress élevé, alors qu'ils posent des gestes qui peuvent être lourds de conséquences dans la vie des patients.

Ce travail est fait malgré toutes les difficultés qui s'y rattachent pour une raison très simple : il est à leurs yeux le plus beau métier du monde ! Sur une base quotidienne, on peut exercer un travail intellectuellement passionnant tout en interagissant avec des gens dans les moments difficiles de leur vie. Chaque contact avec les patients est une occasion de les aider à l'aide de nos connaissances médicales, ou simplement de les écouter et les réconforter.

C'est précisément parce que nous avons cette passion pour la médecine que nous considérons comme essentiel de dénoncer l'aspect inéquitable de cette entente.

Elle a fait en sorte que les plans de carrière d'un grand nombre de médecins de famille en formation se dérobent subitement sous leurs pieds. À titre d'exemple, certains résidents de médecine familiale qui ont fait une année de formation complémentaire pour pouvoir travailler dans les urgences en plus de leurs tâches usuelles ne pourront occuper le poste pour lequel ils se sont formés.

Ces résidents vivent une anxiété énorme et sont plongés dans l'incertitude complète pendant que les médecins de famille déjà en fonction en sont protégés... Voilà un message surprenant lancé par ceux qui sont censés être nos mentors ! Ne se sentent-ils pas une responsabilité de jouer un rôle aussi important que nous dans les changements du système de santé ?

Soyons également clairs sur un autre point : en tant que résidents, nous comprenons bien les problématiques du système de santé et nous tenons à faire notre juste part pour que l'ensemble de la population québécoise ait des soins de santé plus accessibles.

Toutefois, pourquoi ne pas répartir cette responsabilité équitablement entre les médecins ?

Pourquoi faire en sorte que seuls les futurs médecins de famille devront se soumettre à une panoplie de règlements limitant la diversité de leur pratique alors que leurs collègues seniors n'auront pas à modifier aussi drastiquement leur pratique ? Ne serait-il pas mieux que chacun joue son rôle dans ces changements ?

Mieux, non seulement pour les médecins, mais surtout pour la personne qui, ultimement, devrait toujours être le centre de ces grandes décisions : le patient.