Qu'est-ce qui compte souvent cinq à huit personnes, mais rarement plus que 15, est d'une importance vitale pour une entreprise et est composé à 80 % ou plus d'hommes ?

Si vous avez répondu le conseil d'administration (C.A.) typique d'une entreprise canadienne en 2016, vous avez malheureusement deviné juste !

En novembre dernier, le premier ministre Justin Trudeau annonça en grande pompe un nouveau cabinet misant sur la diversité et composé à 50 % de femmes. Il expliqua sa décision par cette phrase qui finit par faire le tour du monde : « Parce que c'est 2015 ! ».

Si le gouvernement a pu montrer du leadership en matière de diversité aux plus hautes instances du pays, pourquoi ne serait-ce pas au tour des entreprises en 2016 ?

Selon le rapport du Conseil canadien pour la diversité administrative publié en novembre, seulement 19,5 % des administrateurs de C.A. des 500 plus grandes entreprises au Canada (selon le classement du Financial Post) sont des femmes, par rapport à 17,2 % en 2014.

Cette hausse mineure, mais significative, est due notamment à une nouvelle politique, initiée par le dernier gouvernement conservateur, obligeant les sociétés inscrites à la Bourse à « se conformer ou se justifier » quant au nombre de femmes au sein de leur C.A.. Or, bien que la littérature soit abondante et les recommandations claires, le progrès semble pourtant encore bien lent. En fait, en 2015, la plupart des grandes entreprises visées ont choisi de « se justifier » plutôt que de se conformer...

Quelles cibles devrions-nous fixer comme société pour nos grandes entreprises ? La Norvège impose déjà depuis 2006 un quota direct de 40 % pour ses sociétés ouvertes, sans quoi celles-ci peuvent risquer l'exclusion du marché boursier ! Au Québec, en 2013, le Conseil du statut de la femme dévoilait sa stratégie de cibles volontaires : 30 % d'ici 10 ans, et 40 % d'ici 15 ans. Cette mixité est tout à fait possible, comme le démontrent déjà certaines grandes entreprises canadiennes, telles Hewitt (50 %), La Capitale (46 %) et Groupe Jean Coutu (43 %), selon le rapport Catalyst publié en 2014.

Dans le monde des start-ups et des PME, on a aussi besoin de plus de diversité dans les C.A. Les fonds de capital de risque ont très peu d'investisseurs femmes comme associées, tant au Canada qu'aux États-Unis. Aussi, les entrepreneurs femmes financées par les fonds de capital de risque sont très minoritaires, représentant typiquement de 10 à 20 % des portfolios. Dur d'accéder au C.A. dans ce contexte ! Les entreprises en démarrage sont particulièrement importantes, car elles représentent le futur de notre économie.

Alors, comment y arriver ? Premier constat : il ne s'agit pas de baisser la barre pour la qualité des candidats. Au contraire, on doit absolument trouver les meilleurs. Les nominations se doivent d'être un système méritocratique pur et sans compromis. On ne doit jamais faire le choix entre « pleine compétence » ou « membre d'un groupe démographique particulier ». On doit plutôt creuser plus loin et trouver plus de candidats qui remplissent parfaitement les deux conditions.

Les clients, les partenaires, les employés et les autres parties prenantes de nos entreprises sont de plus en plus divers. Les C.A. doivent l'être aussi. Les décisions d'affaires importantes ne seront pas véritablement le reflet de notre société tant que la composition des C.A. ne le sera pas aussi.

Pourquoi un jeune homme entrepreneur s'intéresse-t-il à cet enjeu ? Parce que la diversité, c'est notre affaire à tous. J'ai récemment suivi avec intérêt le progrès de l'Effet A, une excellente initiative portée par la femme d'affaires Isabelle Hudon. Un des messages clés : « Le changement est possible que si les hommes sont au coeur de la conversation ». Ou, en d'autres mots, « Messieurs, on vous veut à la table ». Alors, voilà, j'écoute et suis prêt à aider. Je veux améliorer ma PME en matière de parité hommes-femmes et souhaite voir ce changement à plus grande échelle. J'invite aussi les autres hommes d'affaires à participer.

Pour réussir, il faudra une combinaison d'implication individuelle et de support institutionnel. Il y a plusieurs grands joueurs économiques au Québec et au Canada bien positionnés pour prendre le leadership sur ce dossier. Les banques, les fonds d'investissement, les fonds de fonds, les organismes paragouvernementaux, les associations ou les grandes entreprises. Les fonds pourraient, par exemple, donner le ton en sensibilisant activement les entreprises dans leurs portfolios. Qui mènera la charge en 2016 ? 

En attendant, la communauté d'affaires doit continuer de battre le tambour.