Depuis son élection à la tête d'un gouvernement majoritaire en octobre dernier, le premier ministre Justin Trudeau a rapidement mis en oeuvre plusieurs engagements électoraux phares, notamment la formation d'un conseil des ministres paritaire et l'admission de davantage de réfugiés syriens. Il faut saluer la détermination de M. Trudeau à respecter ces engagements.

Mais, dans un contexte où la population canadienne - et surtout québécoise - est vieillissante, un engagement qui devient prioritaire pour le premier ministre est de s'entendre avec les provinces sur une hausse du Transfert canadien en matière de santé (TCS) à leur intention. Même si ce sujet ne déclenche pas les passions du grand public, il est fondamental pour assurer l'accès universel à des soins de santé de qualité soutenus par les gouvernements provinciaux. Annoncer une hausse du TCS dans son premier budget confirmerait que Justin Trudeau a la ferme intention de faire fonctionner la fédération canadienne en respectant la réalité socioéconomique contemporaine.

Tel que rapporté dans un article de Joël-Denis Bellavance publié dernièrement dans La Presse, le vieillissement de la population, aussi qualifié de « choc démographique », constitue le principal défi que les gouvernements fédéral et provinciaux devront surmonter au cours des prochaines décennies. Le vieillissement de la population signifie que la proportion de personnes âgées au sein d'une population augmente.

En plus de limiter la croissance de l'économie, cela engendre une hausse des dépenses en santé, puisque le coût des soins pour une personne de plus de 65 ans est beaucoup plus élevé.

En effet, plusieurs études de l'Institut du Québec et du Conference Board du Canada ont démontré que les dépenses en santé pèseront de plus en plus lourd dans le budget des provinces, ce qui contribuera à creuser des déficits, à créer une spirale d'endettement et à réduire les sommes consacrées aux autres missions fondamentales, comme l'éducation.

Comme si ce casse-tête ne causait pas déjà suffisamment de maux de tête aux ministres des Finances provinciaux, le précédent gouvernement avait annoncé, en décembre 2011, qu'il réduirait le TCS aux provinces. Cette baisse de TCS est le fruit de deux mesures, qui représentent des pertes colossales de plus de 9 milliards au Québec, entre 2014 et 2024, selon les calculs du ministère des Finances du Québec. Ces deux mesures sont : 

1 - le TCS ne sera plus calculé en tenant compte de la richesse relative des provinces, mais plutôt sur une base par habitant (manque à gagner de 2,1 milliards, de 2014 à 2024) ;

2 - la croissance de l'enveloppe du TCS sera limitée à la croissance du PIB nominal (prévue à moins de 4 % sur la période), plutôt que continuer d'augmenter de 6 % par année (manque à gagner de 7,3 milliards, de 2014 à 2024).

Bien entendu, les provinces ont le devoir de mettre en oeuvre des réformes afin d'accroître la productivité dans la livraison des soins de santé. Elles ont également le devoir de limiter la croissance des coûts de gestion du système. C'est d'ailleurs ce que plusieurs d'entre elles sont en train de faire depuis quelques années. Malheureusement, à cause de l'effet du choc démographique, ces efforts ne suffiront pas sans l'appui d'Ottawa.

Une entente avec les provinces sur une hausse de l'enveloppe du TCS qui tient compte du vieillissement de la population et qui s'étend sur plusieurs années afin de leur garantir une stabilité financière pour son premier budget serait un puissant signal que M. Trudeau souhaite réellement agir pour le bien-être des citoyens au-delà de toute partisanerie politique. En ce début de mandat libéral majoritaire, il est tout à fait réaliste de croire qu'une telle entente pourra être conclue.