Serez-vous plus libres en 2016 ? À première vue oui, et notamment sur deux enjeux : la consommation de drogues douces et la mort. Ce n'est pas banal.

Le Québec a ouvert la voie sur l'aide médicale à mourir. Amorcée en 2009, la réflexion a abouti en juin 2014 avec l'adoption d'une loi, mais ce n'est que depuis le 10 décembre dernier qu'elle est mise en oeuvre. Évidemment cette nouvelle liberté est balisée, particulièrement pour s'assurer que ce choix est bien celui de la personne. Il n'en reste pas moins que ce droit était impensable il y a dix ans. Sur la base du jugement rendu par la Cour suprême en février 2015, cette liberté sera accordée à l'échelle du pays, peut-être même avec des balises plus souples. En 2016, on verra donc le Parlement fédéral et les législatures des autres provinces imiter plus ou moins précipitamment le Québec.

Sur la question de la marijuana, le discours du trône du nouveau gouvernement de Justin Trudeau permet d'anticiper une décriminalisation dès 2016. Le Canada s'appuiera sur les législations adoptées dans certains États américains pour en définir les paramètres, mais le pas est important, puisque plus du tiers des Canadiens disent s'être adonnés plus d'une fois à la consommation de marijuana. Une pratique illégale deviendra donc légale, et peut-être même facilitée par une distribution étatique. En Ontario, la première ministre Kathleen Wynne envisage qu'en achetant une bouteille de vin au Liquor Control Board of Ontario (LCBO), vous pourrez aussi magasiner votre pot !

L'ajout progressif de libertés individuelles ne date pas d'hier. Avant 1969, l'homosexualité était un acte criminel et le divorce quasi impossible. L'avortement n'est devenu accessible qu'à la fin des années 1980. C'est au début des années 2000 que la définition du mariage a été élargie aux conjoints de même sexe.

La logique sous-jacente à la reconnaissance de ces droits individuels est relativement simple : chacun possède fondamentalement la capacité de choisir. Et son corollaire : l'usage de ces libertés ne sera pas déraisonnable, du moins dans la grande majorité des cas. Les opposants estiment au contraire qu'en donnant de nouvelles libertés, la société risque le chaos et l'anarchie. Selon eux, il y aurait aussi des valeurs - souvent religieuses - qui transcendent les choix individuels. C'est en brandissant ces arguments que les conservateurs canadiens s'opposent à la décriminalisation de la marijuana et que la droite française dénonce toujours la redéfinition du mariage.

L'accroissement des libertés est-il pour autant toujours positif et nécessaire ? À première vue, oui, mais rien n'est aussi simple.

À l'échelle mondiale, comme dans certains pays, les menaces à la sécurité ont conduit à réduire sérieusement les libertés. L'établissement de l'état d'urgence en France, au lendemain des attentats de novembre 2015, a été considéré comme nécessaire par toute la classe politique. Au Canada, après les attentats de 2014, on a vu se multiplier les avertissements quant aux dangers de la radicalisation. Les libéraux de Justin Trudeau ont été clairs : le C-51 du gouvernement Harper ne sera pas aboli, mais amendé. Au Québec, le projet de loi 59 visant à prévenir et à lutter contre les « discours haineux » pourrait aussi conduire à réduire certaines libertés, au grand dam de certains.

L'environnement est un autre dossier qui mènera à de nouvelles restrictions. Sans bornes, la liberté de marché ou le laissez-faire économique menace indéniablement la sécurité climatique de la planète, de surcroit quand la population dépasse sept milliards d'habitants. Conséquemment, pour atteindre réellement les objectifs vertueux fixés à Paris, chaque État devra souverainement, et ce, dès les prochains mois, limiter certaines libertés économiques, imposer des taxes sur le carbone ou fixer des quotas. Ces restrictions pourraient nous affecter quotidiennement.

Au total, serons-nous plus libres en 2016 ? Pas sûr ! Et, à bien y penser, ce n'est pas tant l'addition qu'il faut considérer que l'à-propos des libertés concédées et des libertés restreintes. Sans aucun doute, c'est ce nouvel équilibre qui sera au coeur des débats politiques de la nouvelle année.