J'ai déjà eu hâte à Noël.

Pendant des années, j'ai eu la vie qui paraît bien : emplois importants et prestigieux, succès, reconnaissance, voyages de travail qui m'ont amené un peu partout au Québec, au pays et plusieurs fois à l'étranger. Bref, le paradis pour qui n'avait jamais souhaité pareilles possibilités et opportunités. De plus, les rencontres intéressantes avec des gens connus et influents étaient monnaie courante.

C'était la vie à l'hôtel, les 5 à 7 et bien plus tard, les bons soupers - la plupart du temps bien arrosés -, les sorties et les vacances en Provence (que j'adore). Bref, c'était la totale. J'avais de l'ambition et j'avais réussi.

Mais il y a des choses que tu n'as pas vues venir, que tu as vécues sans en percevoir le prix. Tu n'as pas maîtrisé ta fréquente et de plus en plus importante consommation d'alcool, jusqu'à ce qu'elle te contrôle et remporte la donne : perte du travail, du salaire qui l'accompagnait, maladie... Tu perds tout : adieu condo, adieu les rencontres animées, les soirées et les dîners, faute de ressources pour suivre le mouvement. C'est là que tu fais une deuxième constatation : pendant toute cette période, c'est le travail qui a rempli ta vie. Tu découvres que tu étais totalement absorbé et pris dans le tourbillon. Aujourd'hui, cette vie est révolue, tu es fin seul avec tes problèmes. La famille... pas eu le temps, trop occupé. Les amis... ce n'en étaient pas. Ils n'étaient que des connaissances, du « social ».

LA SOLITUDE

S'il est un moment où tu peux constater la solitude, c'est le 24 décembre. C'est LE jour de l'année où la majorité des gens célèbrent, reçoivent ou visitent parents et amis, et échangent des cadeaux. C'est un agréable moment à passer avec des gens qu'on aime. Mais pas pour toi.

Pour une personne seule, qui souffre de solitude - et on peut en souffrir même dans une foule ou en public -, le 24 décembre est une journée qu'on devrait pouvoir escamoter.

Que faire la veille de Noël ?

C'est la seule question facile : rien. Vous êtes-vous déjà promenés dans les rues le soir de la veille de Noël ? Qu'avez-vous vu ? Des décorations que personne ne regarde, car il n'y a personne dans les rues. Des restaurants où les gens célèbrent ? Non. Noël est une fête de famille et, d'ailleurs, tous les restos (ou presque) sont fermés. Des bars ? Non, la plupart d'entre eux sont aussi fermés.

Que faire, donc ? La même chose que l'an dernier : rien. Vous rentrez chez vous - si vous en avec un -, vous ouvrez la télé - si vous en avez une - et vous regardez le même film bête et con que l'année dernière. Et si vous choisissez de fermer la télé et d'écouter la radio ? C'est le même déluge de chansons presque toutes aussi mauvaises les unes que les autres qu'on a entendues mille fois depuis deux mois. 

Préparer un bon petit repas ? Pour le manger avec qui, devant le même maudit mur sale de tous les jours ?

Tu te mets alors à penser, à faire le bilan de l'année écoulée. Tu te poses la question qui tue : mais est-ce que ce sera encore pareil l'an prochain ? Est-ce que ce sera encore 12 mois à ne vivre que pour survivre, à demander de l'aide, à passer tes journées à errer, à n'aller nulle part, à jaser avec toi-même, à vivre l'angoisse des fins de mois, à te demander pourquoi cette situation t'arrive à toi alors qu'il y a tant de gens heureux tout autour, mais sans toi ?

C'est là que tu réalises combien tu es seul. Être seul, ce n'est pas seulement n'avoir personne à qui parler. Tu peux bien parler à quelqu'un, mais ce n'est pas de la conversation, les autres ne t'écoutent qu'en pensant à ce qu'ils vont dire.

Être seul, c'est aussi n'avoir personne à qui parler qui t'écoute pour ce que tu es, qui te ressent et avec qui tu peux tout partager. C'est n'avoir personne dont la présence nous rend heureux. C'est cette personne que je vous souhaite.

« Oh ! Qu'il est loin, ce Noël passé en Provence ! »