Les réfugiés syriens, les pensionnats autochtones, Aylan Kurdi, les attentats du groupe État islamique (EI), Donald Trump, les Le Pen... fêter Noël dans la joie ne va pas de soi, cette année. Par ailleurs, les origines mêmes de cette fête sont marquées par l'exil d'une famille qui fuit la violence causée par le pouvoir d'un tyran.

JÉSUS, LE RÉFUGIÉ

Dans l'Évangile de Matthieu, le roi Hérode cherche à tuer Jésus dès sa naissance. Alerté par les mages, ces étrangers venus pour se prosterner devant le roi qui vient de naître, Hérode fait exécuter tous les enfants de la région de Bethléem. Heureusement, dans un songe, Joseph, le père de Jésus, est averti qu'il doit fuir avec sa famille. Contraint de s'exiler pour survivre à la violence, la petite famille s'expatrie en Égypte, où elle est accueillie. Elle y restera jusqu'à la mort d'Hérode. Puis, la famille revient, mais elle ne peut plus vivre à Bethléem, puisque ce territoire est contrôlé par Archélaüs, le fils d'Hérode le plus sanguinaire. Ils s'établissent donc à Nazareth en Galilée.

MATTHIEU, LE RÉFUGIÉ

Il n'est pas anodin que ce récit ait été composé pour une communauté de réfugiés. L'Évangile de Matthieu provient d'une communauté qui s'est exilée à cause de la destruction de Jérusalem par les Romains, en 70. Ils ont été accueillis... en Syrie, un lieu qui a marqué l'actualité en 2015. Ce n'est donc pas par hasard que cet évangile met un accent particulier sur l'accueil inconditionnel du migrant. L'Évangile de Matthieu raconte d'ailleurs qu'on entendit parler de Jésus dans tout le pays de Syrie et on lui amena tous ceux qui souffraient (Mt : 4,24). Les premiers lecteurs de ce texte pouvaient facilement s'identifier aux gens de Syrie qui souffraient et furent accueillis par Jésus.

Rappelons-nous que les premiers chrétiens étaient en position minoritaire et marginale. Ils vivaient en « étrangers » dans un contexte de persécutions et comptaient sur l'accueil des autres.

Alors qu'on retrouve souvent tout et son contraire dans la Bible, sur la question de l'accueil, il n'y a aucune équivoque. L'hospitalité est un impératif.

L'ACCUEIL : CRITÈRE DE VIE ÉTERNELLE

L'accueil de l'autre devient même un critère de vie éternelle. Dans une parole sur le Jugement dernier (Mt : 25), Jésus sépare les nations en deux groupes. D'un côté, on retrouve ceux qui ont donné à manger et à boire aux affamés et assoiffés, ceux qui ont habillé ceux qui étaient nus, ceux qui ont pris soin des malades et qui ont visité les prisonniers. Ils sont invités à la « vie éternelle ». De l'autre côté, on retrouve ceux qui n'ont pas accueilli l'autre. Ces derniers sont voués au « feu éternel » !

LIRE MATTHIEU EN 2015

« J'étais un étranger et vous ne m'avez pas accueilli... chaque fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait » (Mt : 25,43). Je ne peux lire ce passage sans revoir l'image du petit Aylan Kurdi et sans penser à tous ceux qui meurent ou qui souffrent à cause de notre difficulté d'accueillir l'autre.

Heureusement, en contrepartie, chaque réfugié arrivant chez nous en ce temps des fêtes peut devenir, pour un chrétien, une occasion de rencontrer le Christ : « J'étais un étranger et vous m'avez accueilli... chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait. » (Mt : 25,39-40).

N'en déplaise aux Trump et Le Pen, un chrétien xénophobe n'est pas un « vrai » chrétien. À tout le moins, c'est un chrétien qui ne connaît pas ses textes fondateurs et ne les met pas en application. En ce Noël 2015, je nous invite à relire l'évangile de Matthieu pour mieux vivre l'accueil de l'autre.

Joyeux Noël et bon accueil !