Le 20 novembre est la Journée mondiale de l'enfance, décrétée en 1954 par l'Organisation des nations unies qui faisait alors la promesse de promouvoir le droit des enfants à s'épanouir, à apprendre et à grandir en vue de réaliser leur plein potentiel.

Les maladies du cerveau de nature psychiatrique, qui ont une racine neurodéveloppementale infantile, sont parmi celles qui nuisent le plus au développement normal du cerveau de l'enfant, en particulier en raison de leur forte prévalence. Pourtant, soutenues par les découvertes scientifiques récentes, des formes de prévention de maladies du cerveau comme la schizophrénie, la maladie bipolaire et la dépression récidivante sont devenues disponibles ; mais elles sont encore peu appliquées.

Ces trois maladies affectent 4 % de nos populations. Pour la région de Québec, par exemple, ce sont 30 000 adultes qui en souffrent. Ces adultes sont les parents de pas moins de 12 000 enfants et adolescents qui sont de 15 à 20 fois plus à risque de développer la maladie de leur parent. La région de Montréal en a tout simplement trois fois plus. La moitié de ces enfants présente, en plus, dès l'enfance des problèmes de développement, de comportement et d'apprentissage méritant une aide spécialisée.

Il est compréhensible qu'on s'attriste de désastres humanitaires à l'étranger, mais celui-ci est ubiquitaire, quotidien et persistant dans nos foyers et nos écoles. Le fardeau porté par les familles affectées par ces maladies et les coûts de santé qui y sont rattachés à court et à long terme sont sans pareil. Puisqu'il n'y a aucune priorité de santé pour ces enfants et adolescents à très haut risque, ici comme nulle part ailleurs dans le G7, cette population est inévitablement laissée à elle-même.

Pourtant, une offre spécialisée de soins pourrait être offerte car la recherche scientifique montre que des moyens de prévention existent pour redresser les trajectoires de risque de ces enfants, et surtout pour diminuer l'énorme fardeau porté par les familles, un fardeau qui lui-même provoque ou aggrave la maladie. 

Dans une région comme Québec, 300 nouvelles incidences de la maladie surviennent annuellement et, pour la majorité, l'arrivée à l'urgence médicale en état critique entre 15 et 28 ans constitue le premier contact avec le système de santé. 

Les moyens existent maintenant pour faire autrement. Les récentes découvertes scientifiques montrent qu'on peut, par exemple, distinguer parmi les enfants d'un parent affecté par la maladie ceux, des frères et soeurs, qui portent les indicateurs de dysfonctions du cerveau que les patients adultes eux-mêmes présentent. Les enfants et adolescents qui présentent des problèmes développementaux nuisant à leur épanouissement social et scolaire méritent un accès précoce et continu aux moyens thérapeutiques éprouvés afin de redresser une trajectoire de risque et ainsi alléger le fardeau individuel et familial.

Il existe plusieurs défis à affronter pour résoudre rapidement cette situation affligeante. D'abord, le manque d'information : les familles et les professionnels ne savent pas reconnaître les signes précurseurs de la maladie, ni à quelle porte frapper en cas de besoin.

Ensuite, la barrière entre soins de santé mentale adultes et infantiles : les médecins et intervenants oeuvrant auprès du parent affecté par ces trois maladies s'informent rarement de leurs enfants et ne les réfèrent pas à une clinique développementale spécialisée.

Enfin, la peur et la stigmatisation : la crainte que l'enfant soit identifié à risque de maladie mentale. Cette crainte est grandement alimentée par l'ignorance qu'il existe présentement divers moyens de prévention ou de soulagement des difficultés, et la recherche scientifique améliore sans cesse leurs perspectives.

Cette stigmatisation se trouve autant dans l'esprit des professionnels de la santé que dans celui des familles affectées par la maladie. En comparaison, prenons l'exemple des familles affectées par une autre maladie chronique telle que l'asthme. Si un jeune enfant se montre enclin depuis quelques années à de multiples troubles et infections respiratoires, quel parent hésiterait à ce que celui-ci soit rigoureusement investigué pour l'asthme, même avec des méthodes diagnostiques invasives existantes, de crainte que l'enfant ne soit identifié comme « asthmatique » avec ce que cela peut signifier comme contraintes pour son avenir ?

Le fait aujourd'hui de savoir que les indicateurs de dysfonctions du cerveau portés par les patients adultes peuvent être détectés tôt chez les enfants-adolescents à risque transformera les préjugés populaires sur ces maladies psychiatriques et les approches thérapeutiques, comme cela s'est produit pour les enfants à risque élevé de maladie asthmatique ou de maladie métabolique-cardiovasculaire.