Depuis 22 ans, je pratiquais ce métier avec enthousiasme. Mais voilà qu'aujourd'hui, j'ai honte d'être enseignant. Il m'a suffi de lire et d'entendre ce que tout un chacun dit de mes collègues et de moi pour que je réalise ma bêtise d'avoir fait ce choix.

Ainsi, nous sommes des privilégiés, des BS de luxe, des profiteurs du système... Autant de reproches de la part de ceux qui veulent me faire sentir coupable du salaire que je reçois et des conditions de travail qu'on m'a offertes.

Je ne comprends plus.

Où sont tous ces gens que j'ai rencontrés dans ma vie et qui me disaient que j'étais courageux d'enseigner auprès des jeunes du secondaire, qu'ils ne le feraient pas pour tout l'or du monde ? Où sont tous ces parents qui me confiaient sans aucune inquiétude ce qu'ils avaient de plus précieux au monde, leurs enfants ? Où sont tous ces élèves aujourd'hui devenus adultes et que j'ai aidés sans compter parce que j'estimais qu'il méritaient le meilleur de ce que je pouvais leur apporter ? Leurs voix sont noyées sous le flot des propos haineux des agitateurs radiophoniques et des vendus d'opinion qui ne vivent que de la médisance qu'ils nourrissent à l'aide de leur micro ou de leur plume.

Où est ce premier ministre du Québec qui déclarait, pas plus tard qu'en mars 2014, à quel point il était fier des enseignants québécois ?

Où est ce ministre de l'Éducation qui laisse calomnier depuis des semaines ses propres enseignants, mais qui s'est dépêché de consoler ses hauts fonctionnaires écorchés le temps d'un discours qu'il avait prononcé ? Où sont ces représentantes de directions d'établissements scolaires qui se disent « unies pour l'éducation », mais qui nous laissent nous faire insulter jour après jour alors qu'elles savent très bien les miracles que nous faisons au quotidien ? Comment tous ces acteurs peuvent-ils ne pas être gênés de leur silence et de leur inaction ? Où sont leurs véritables valeurs dans ce tumulte où l'on met à mal ceux à qui l'on demande d'aider à bâtir - dans nos écoles - le Québec de demain ?

Plus j'y pense et plus je crois que j'aurais dû être un banquier devenu président du Conseil du trésor qui, un peu comme un personnage de Saint-Exupéry, se réjouit de compter l'argent qu'il croit économiser. Plus intéressant encore, j'aurais dû être un de ces ministres de l'Éducation - les Marois, Legault, Fournier, Bolduc - ou un haut fonctionnaire qui n'a fait que nuire au travail des enseignants à force d'incompétence et d'improvisation et à qui on offre des indemnités de départ ou une retraite dorée sans jamais demander de comptes au nom des enfants dont ils ont brisé l'avenir.

Non, j'ai choisi d'être enseignant. Et aujourd'hui, j'ai honte de pratiquer ce métier. La haine et l'envie de certains médisants ont tué cette passion.