Ainsi M. Coiteux, vous êtes en mal d'inspiration et vous attendez des propositions concrètes en ce qui concerne le régime de retraite des employés de l'État (RREGOP). Je vais donc répondre à votre appel.

En premier lieu, il faudrait commencer par comprendre que l'équité intergénérationnelle est un concept valable pour toutes les générations. Vous parlez des jeunes et de pérennité du régime, soit. Mais, que, par exemple, de nombreux retraités de la génération actuelle aient le tiers de moins que toutes les générations du Québec depuis les années 70 devrait vous faire réaliser la démesure et l'inéquité de vos propositions. Vous n'êtes pas sans savoir que ce régime, contrairement à d'autres, est en excellente santé, pleinement capitalisé et capable de faire face à ses obligations.

Les travailleurs de longue date, en particulier, ne peuvent revenir en arrière et refaire leurs choix de carrières. Pour eux, vous changez les règles du jeu alors que la partie est presque terminée, vous changez unilatéralement et rétroactivement les clauses d'un contrat en vertu duquel plusieurs ont accepté un salaire moindre au public en tenant compte des paramètres actuels.

Si ces principes ne sont pas suffisants pour vous guider, on peut détailler certaines solutions, « concrètement », comme vous le désirez : 

En premier lieu, 40 % du passif appartient à 13 % des cotisants et prestataires du FARR (Fonds d'amortissement du régime de retraite du gouvernement) qui n'appartiennent pas au RREGOP. On tente de refiler la problématique de certains groupes à celui qui a fait les ajustements nécessaires au fil des ans pour ne pas être déficitaire.

Première solution : si chacun des régimes de retraite au Québec porte la part qui lui est propre, le RREGOP n'aura que des ajustements mineurs à faire puisqu'il est entièrement capitalisé.

Point suivant. Il y a actuellement 236 000 personnes qui reçoivent une rente du RREGOP. La rente moyenne est de 18 000 $ par année (pas vraiment les « gras durs » que certains voudraient faire croire !). Ces gens n'ont pas travaillé plus fort ou contribué plus que les cotisants actuels (au contraire, la contribution était 40/60 avant 1982 !). Une diminution de seulement 1 % de leur rente rapporterait 42 millions au gouvernement. Encore plus (probablement plus de 60 millions) si on met équitablement à contribution les 100 000 prestataires des autres régimes, mesure qui toucherait ensuite les cotisants actifs de façon équitable pour toutes les générations. En élargissant le nombre de contributeurs à la « correction » des régimes, on prend une mesure beaucoup plus équitable que de réduire les prestations de 30 à 40 % pour un petit groupe.

Deuxième solution : étendre la contribution aux correctifs à tous les participants actifs ou prestataires.

Aussi, on parle de faire passer la pénalité actuarielle par année d'anticipation de la prise de retraite de 4 % à un incroyable 7,2 %. C'est cette suggestion qui pourrait faire perdre des montants astronomiques aux seuls gens qui travaillent depuis longtemps et qui sont sur le point de prendre leur retraite. Il me semble qu'on ne devrait pas toucher les régimes qui sont en équilibre aux conditions actuelles ! Les régimes qui nécessiteraient une augmentation de la pénalité devraient aussi le faire sur plusieurs années (par exemple, 0,1 % par année sur 20 ans ou 0,2 % par année sur 10 ans) pour laisser le temps aux gens de s'ajuster.

Les gens qui travaillent depuis 20, 25 ou 30 ans ne peuvent quand même pas remonter le temps !

Si le régime de retraite devient peu attrayant, plusieurs types d'emploi pourraient ne plus pouvoir attirer d'employés compétents dans le secteur public. C'est déjà le cas avec les conditions salariales actuelles qui ne sont pas concurrentielles avec le secteur privé pour plusieurs professionnels. C'est d'ailleurs une limite majeure qu'ont ces solutions « mur à mur » pour tous : elles conviennent pour certains mais sont très mal adaptées pour d'autres.

Troisième solution : diminuer l'ampleur de la pénalité actuarielle et l'étendre sur plusieurs années.

D'autres solutions « faciles » pourraient être prises mais encore ici probablement mal adaptées au contexte réel.

Quatrième solution : augmenter très légèrement les cotisations et changer légèrement le partage des coûts du régime (actuellement 50/50)

Cinquième solution : une combinaison atténuée de quelques-uns ou tous ces moyens.

Sixième solution : si quelque chose n'est pas brisé, ne pas le réparer ! Le RREGOP fonctionne très bien selon les règles actuelles. Quand un régime a un actif de 14 % supérieur à son passif, il est malhonnête de réduire de façon démesurée et brutale la rente des futurs prestataires.

M. Coiteux, je crois qu'une bonne proportion de Québécois sont prêts à faire leur part pour rétablir l'équilibre budgétaire (et c'est mon cas) du moment que cette part est raisonnable, justifiée et équitable entre tous. Je crois aussi que les négociations avec le secteur public auraient une bien meilleure chance de se passer relativement correctement sans les ajustements injustifiés et surtout démesurés au RREGOP. Il faut aussi penser qu'avec tous les changements exigeants projetés notamment en santé et en éducation, on aura besoin de travailleurs motivés pour mener à bien ces changements.