L'Université du Québec est un joyaux d'intelligence, d'efficacité, de collégialité et de coopération interinstitutionnelle dont la pérennité est remise en question de façon récurrente, généralement par intérêts politiques, parce que la question des économies qui découleraient d'une telle opération ne résiste jamais à l'épreuve des analyses.

Cette hypothèse de travail avec laquelle jonglerait le Ministère et le Trésor, évoquée dans l'article de Tommy Chouinard publié le 23 octobre dernier dans La Presse, pourrait illustrer à quel point le ministre Blais est mal conseillé, ou pire - et je ne peux concevoir que sa garde rapprochée ou des fonctionnaires agissent ainsi -, conseillé par des idéologues qui mettent de côté l'analyse de faits empiriques concernant le siège social.

Constituée en 1968, l'Université du Québec a donné naissance à 10 autres établissements universitaires actifs et performants dans leurs domaines de recherche respectifs.

Elle a su, au fil des ans, s'adapter à la maturité croissante de son université associée et de ses constituantes. Elle joue désormais un rôle essentiel de « partage » des coûts, pour une pléthore de services qui, autrement, coûteraient davantage à chacun des établissements. Ces universités sont en santé et les régimes de retraite, correctement garnis. Une situation qu'envient de nombreuses autres universités constituées en vertu de lois privées ou de chartes royales.

La réduction des coûts en enseignement supérieur ne passe pas par la division des forces, mais par davantage de concertation, d'échanges et de collaborations. Le fait d'appartenir à un réseau offre des occasions plus importantes de coopération interinstitutionnelle, tant sur le plan de la recherche que pour les activités d'enseignement ou de services publics, qui sont les trois missions de l'université québécoise.

Or, toutes les transformations organisationnelles engendrent des coûts. Lorsque l'on fait de telles transformations, les économies en découlant doivent être plus élevées que celles de la transformation.

C'est selon cette logique que, récemment, le ministre Blais prenait la décision de ne pas aller de l'avant dans le dossier des fusions de commissions scolaires, une décision que j'ai saluée et que je salue encore, parce que les promoteurs de ces fusions s'appuyaient sur des projections qui ne se seraient pas matérialisées : nous avons maintenant beaucoup d'expérience en la matière.

Étonnamment, le postulat des fusions est celui des économies d'échelle découlant de l'exercice. Dans ce cas, nous avons des établissements qui sont volontairement liés entre eux, assument une large partie des coûts de leurs relations et ont su se donner des outils et des infrastructures communes qui leur permettent de faire davantage avec moins. La situation financière actuelle suggère plutôt qu'il y aurait des gains à faire en implantant des mesures qui favorisent la coopération plus large entre tous les établissements universitaires. Or, le présent rationnel va en sens inverse ! Il ne tient pas la route et engendrera des coûts plus élevés que les bénéfices.

L'UQ, UN RÉSEAU PERFORMANT

J'ai mis en relief les dépenses par étudiant en équivalence au temps plein (EETP) dans chaque université québécoise, en répartissant les coûts du siège social de l'UQ, dans chaque constituante (ou université associée) au prorata de sa fréquentation. J'ai mis en relief deux années distinctes, 1999-2000 et 2009-2010, pour montrer au ministre la croissance des dépenses selon l'établissement.

Sur la période étudiée, les dépenses par EETP augmentent de 3,7 % par année, soit 37 %. Elles passent de 16 440 à 22 568 $. Sept des dix universités membres de l'UQ ont des coûts qui augmentent moins ou conformément à la moyenne. En termes de contrôle des dépenses, et sans molester qui que ce soit, l'Université du Québec a fait ses preuves.

Pour les autres universités, seuls Polytechnique, l'Université de Montréal et Concordia sont en deçà de la moyenne. Étonnamment, deux d'entre elles sont membres d'un autre réseau universitaire. Penser qu'il y aura des gains en abolissant le siège social relève d'une étonnante lubie et de croyances sans fondements. Récemment, un article mentionnait que le ministre souhaitait assurer une planification de l'éducation en général, en s'appuyant sur des données sinon probantes, du moins sérieuses. Je ne comprends donc pas.

Des gestes à faire pour accroître la fluidité du système d'enseignement supérieur, sa progression et la poursuite de son essor, il y en a, mais je vous rappelle, comme je l'ai déjà dit sur différentes tribunes concernant les commissions scolaires, que les changements, en éducation, ne peuvent être guidés par les seuls impératifs financiers ou les idéologies.

Il est possible de transformer nos institutions, mais ce changement doit s'appuyer sur une vision claire, particulièrement en enseignement supérieur, une vision qui mobilise ceux qui y oeuvrent.

Le nouveau premier ministre Justin Trudeau devrait être, à cet égard, une source d'inspiration pour tout politicien qui souhaite soutenir le progrès et laisser une empreinte à la hauteur de ses aspirations.