Monsieur le premier ministre,Au nom de nos organisations et des centaines de milliers de personnes qui les appuient au Québec, permettez-nous de vous féliciter pour votre élection. Vous prenez les rênes du pays à un moment crucial de notre histoire, à seulement six semaines de la conférence de Paris sur le climat où 196 pays doivent conclure une entente qui influencera grandement l'avenir de notre planète. Sous votre leadership, le Canada doit renouer avec le concert des nations et rebâtir une réputation ternie par dix années d'obstruction et de déni de la crise climatique.

Le Canada ne peut se présenter les mains vides à Paris. La contribution nationale annoncée par le Canada en vue de la conférence de Paris, soit de réduire les émissions de GES du pays de 30 % en 2030 par rapport à l'année de référence 2005 (ou 14 % sous le niveau de 1990), est l'une des plus faibles de tous les pays développés. Le Canada est en voie de rater complètement la cible qu'il s'est lui-même fixée pour 2020 en raison de l'inaction du gouvernement précédent. Le Canada peut et doit faire mieux.

Le temps presse, mais vous avez la possibilité de jouer un rôle historique à Paris. Voici quatre éléments clés, dont trois directement tirés de votre plateforme électorale, qui permettront d'y arriver si vous en faites des priorités au cours des prochaines semaines.

Conformément à vos engagements, vous devez convoquer vos homologues provinciaux afin de déterminer des cibles de réduction des émissions de GES qui répondent aux impératifs scientifiques en matière de lutte contre les changements climatiques. Cette rencontre doit se tenir AVANT la conférence de Paris.

Convoquer une telle rencontre à si courte échéance est un défi, mais un défi à la hauteur de l'urgence climatique.

En second lieu, vous devez fixer une cible de réduction d'émissions ambitieuse pour 2025. Une cible canadienne minimale de 35 % sous le niveau de 2005 d'ici 2025 est requise à cette fin. Cette cible devra être inscrite dans une loi du Parlement canadien. De plus, vous devrez présenter un plan pour rapidement réduire nos émissions de GES et atteindre notre cible pour 2020. Une cible ambitieuse sera impossible à atteindre en 2025 et 2030 si des efforts ne sont pas faits dès maintenant pour réduire notre production et notre consommation de combustibles fossiles.

Troisièmement, vous devez confirmer avant la conférence de Paris l'intention du Canada de fixer un prix et un système de taxation du carbone et d'utiliser les fonds dégagés pour la mise en oeuvre de projets de réduction des émissions de GES. Il s'agit là d'un autre engagement-clé de votre plateforme électorale.

Finalement, vous devez respecter votre engagement et réviser sans tarder les processus d'évaluation environnementale et assujettir l'ensemble du projet de pipeline Énergie Est à une évaluation environnementale crédible incluant la prise en compte des émissions de GES induites par le projet et son impact sur le climat.

En 2005, sous le leadership d'un gouvernement libéral, le Canada avait accueilli la communauté internationale et s'était assuré d'un accord historique mettant la table pour une suite au Protocole de Kyoto. Dix ans plus tard, nous avons à nouveau rendez-vous avec l'Histoire, pour dire haut et fort que le Canada sera désormais un leader de la lutte contre les changements climatiques. Le Canada doit rapidement faire des gestes pour rétablir sa crédibilité. Si vous allez de l'avant, vous pourrez compter sur notre appui, sur celui de millions de Canadiennes et de Canadiens, et très certainement sur celui du NPD, du Bloc québécois et du Parti vert. Monsieur le Premier Ministre, la table est mise. À vous de jouer.

Philippe Bourke, RNCREQ ; Alain Brunel, AQLPA ; Patrick Bonin, Greenpeace ; Audrey Depault, Projet de la Réalité climatique Canada ; Steven Guilbeault, Équiterre ; Catherine Huard, Fondation Rivières ; Karel Mayrand, Fondation David Suzuki ; Jérôme Normand, ENvironnement JEUnesse ; Christian Simard, Nature Québec