Récemment, une plainte formelle était déposée contre l'humoriste bien connu Mike Ward pour des propos jugés offensants et préjudiciables qu'il a tenus à l'endroit du jeune Jérémy Gabriel lors d'un spectacle. Par le biais de son avocat, Mike Ward conteste cette plainte au nom de la liberté d'expression.

Au-delà de cet événement et de la démarche qui en découle, et dont le résultat risque fort d'être enfermé dans un argumentaire juridique, il y a autre chose à dire. Car la réalité du débat entourant ce cas d'espèce et nombre d'autres passés ou actuels déborde du cadre de la loi : elle a « aussi une fonction éthique en ce qu'elle conforte le vivre-ensemble », comme le soulignent fort à propos Michel Maffesoli et Hélène Strohl1.

La liberté d'expression est certes un droit à chérir et protéger, mais c'est aussi un privilège dont on ne saurait abuser. On aurait tort de s'en servir comme d'une arme pour, somme toute, humilier qui que ce soit en raison notamment de sa santé physique, mentale, de sa condition sociale ou de ses croyances.

À une époque où, en matière de communication, on semble avoir consacré le règne des humoristes, des animateurs, des « faiseux » d'opinions et de tous ceux qui ont de la « nouvelle » à vendre, le respect de l'autre, l'exigence de la vérité et même ce qu'on appelle le gros bon sens ne font plus le poids devant le sensationnel, le spectaculaire et l'exigence de rentabilité.

« Un bon mot bien placé tue plus assurément qu'une longue démonstration », dit le philosophe Michel Onfray. Tristement, notre époque célèbre ceux qui en sont capables ou qui en font usage.

Ainsi donc, il suffirait de trouver quelques têtes de turc et de déverser à leur propos insinuations, préjugés et généralités simplistes pour faire rire, condamner, ostraciser... Il se trouvera toujours un auditoire pour se nourrir de ce genre de choses.

Ce qu'on ne voudrait pas que nos enfants disent ou fassent devient tout à coup politiquement ou artistiquement correct au nom de la liberté d'expression, laquelle est devenue dans trop de circonstances la tarte à la crème justement des « droits » de la personne.

À l'encontre du juridisme de circonstance, il est un argument incontournable, celui du bon sens, de la juste mesure qui impose de distinguer ce qui est à propos de dire ou de faire afin « de cultiver la vertu de ne pas offenser de tout et de n'importe quoi ainsi que le sens du respect d'autrui », comme l'écrit le philosophe de l'éducation Normand Baillargeon.

Le contexte de ce que l'on dit ou fait porte en lui la signification profonde de notre pensée et ce, volontairement ou à notre insu. L'exercice de la liberté d'expression n'occulte pas l'obligation morale, voire même légale, du respect de la dignité de toute personne.

- Normand Chatigny, Michel Héroux, Denys Larose et Jean-Noël Tremblay

Les auteurs sont des retraités habitant Québec et Montréal. Normand Chatigny a travaillé sur la scène municipale et fut maire de Cap-Rouge. De 2001 à 2005, il était membre du Comité exécutif de la Ville de Québec. Denys Larose et Jean-Noël Tremblay ont été directeurs généraux de collèges (Cégep de Sainte-Foy et Campus Notre-Dame-de-Foy). Michel Héroux a travaillé en information et en communication durant toute sa carrière, et il est retraité de l'Université Laval.

1 - Michel Maffesoli et Hélène Strohl, Les nouveaux bien-pensants, Le poche du moment, 2015.