Après quatre débats des chefs, il est temps de déclarer le grand perdant de cet exercice : ce n'est pas Justin Trudeau, Thomas Mulcair ou Stephen Harper, mais bien l'électorat canadien-anglais.

Le premier débat en anglais, organisé par le magazine Maclean's, a été diffusé principalement sur City TV, une chaîne de télévision secondaire, en plein mois d'août. Le débat du Globe and Mail sur l'économie du 17 septembre et le débat de l'institut Munk sur la politique étrangère, lundi soir, ont été principalement visionnés sur YouTube, divers sites internet et la chaîne parlementaire CPAC.

Nous étions loin des rassemblements de campagne électorale où une part importante de la population peut se rassembler devant un téléviseur syntonisé sur une chaîne de grande écoute et en parler au bureau le lendemain.

Les bulletins télévisés et les journaux ont bel et bien couvert ces trois débats en anglais (celui du Munk était en partie bilingue) comme n'importe quelle autre nouvelle importante, avec une grande quantité de faits saillants et de savantes analyses. De plus, l'expérience des joutes sur un seul sujet, comme l'économie ou les affaires étrangères, est concluante et mérite d'être répétée.

Mais comme les Québécois le savent, rien ne vaut l'écoute d'un débat des chefs traditionnel qui touche à plusieurs questions et enjeux, comme celui que nous a servi le consortium Radio-Canada/Télé-Québec/La Presse la semaine passée. Avec le Face-à-face 2015 sur TVA vendredi prochain, tous les francophones et francophiles du pays qui veulent écouter un débat - surtout à l'ère des enregistreurs audionumériques - en auront l'occasion.

Ces grands débats créent un enthousiasme au sein de la population qui peut avoir de la difficulté à s'intéresser à une longue campagne, mais aussi un événement où les électeurs peuvent prendre le temps de comparer les chefs et leurs plans pour le pays.

Ce sont les conservateurs de Stephen Harper qui ont amorcé ce virage au Canada anglais en refusant de prendre part au débat traditionnel du consortium qui comprend CBC, CTV et Global. Il y a eu un long débat sur les débats entre les partis cet été, et toutes les hypothèses y sont passées. Est-ce que Stephen Harper avait peur de se faire démolir par Thomas Mulcair, ou est-ce qu'il voulait éviter de donner une trop grande visibilité à Justin Trudeau ? Est-ce que le consortium a été trop intransigeant avec les conservateurs ?

Ce qui est certain, toutefois, c'est que moins de gens ont eu accès aux débats en direct en anglais, cette année, que durant les campagnes passées.

Les électeurs ont le don de saisir ce qui leur importe dans ces événements, de se faire une idée des chefs et d'utiliser ces informations pour faire leur choix électoral, ou en changer.

Cette année, bien des électeurs devront se contenter de la couverture des débats ou des tournées électorales des chefs dans les divers médias pour prendre une décision. À moins, bien sûr, qu'ils ne basent leur choix sur les informations véhiculées... par les publicités électorales.

En effet, nous sommes rendus au moment où le déclenchement hâtif de la campagne, le 2 août, prend tout son sens. Les partis peuvent, grosso modo, dépenser deux fois plus d'argent cette année qu'en 2011, à cause de la plus longue période électorale, ce qui risque de produire une explosion de publicités avec moins de trois semaines de campagne à faire.

Si les électeurs du Canada anglais qui ont raté les débats des chefs sont les grands perdants de cette campagne, le grand gagnant pourrait être le parti politique qui diffusera les messages publicitaires les plus efficaces d'ici le 19 octobre.