La chronique de Rima Elkouri concernant l'étudiante de l'UQAM qui a porté plainte pour harcèlement sexuel contre un professeur, sans que celui-ci n'ait toutefois eu de conséquences pour les actes posés, fait encore une fois réfléchir sur la place que nous ne donnons pas aux victimes de harcèlement sexuel et d'agression sexuelle dans leur propre cheminement de dénonciation.

À la suite du mouvement #AgressionNonDénoncée de l'automne dernier et des discussions qui en ont émergé, on a semblé faire un examen de conscience. Bon nombre de personnes se sont senties ébranlées et surprises par autant de dénonciations par le hashtag, et alors, tout le monde a été pris de panique et alerté. Ce mouvement a pour le moins favorisé une prise de conscience collective et provoqué de nombreuses réactions de compassion.

On doit se réjouir d'avoir vu ce mouvement populaire tisser un réseau de solidarité entre victimes et sensibiliser à la nature endémique de l'agression sexuelle. Tant mieux si hommes et femmes prennent maintenant conscience de la difficulté d'un dévoilement et du courage dont il faut faire preuve pour porter plainte. Tant mieux si on parle d'agression sexuelle en se libérant des tabous nocifs et paralysants.

BRISER LE SILENCE

Toutefois, malheureusement, quand on crie dans une foule, il se peut qu'on ne nous entende pas. Il se peut aussi que notre message ne se rende pas aux bons destinataires. Les réseaux sociaux demeurent un forum limité pour traiter d'une problématique aussi importante et complexe que l'agression sexuelle. Bien qu'elle puisse illustrer l'ampleur du phénomène et inspirer la réaction, une telle médiatisation ne peut se substituer à des changements de pratique concrets. Le mouvement #AgressionNonDénoncée, on en a la preuve aujourd'hui en regardant ce qui s'est passé pour cette étudiante de l'UQAM, a attiré les regards vers la cause, mais ne l'a pas fait systématiquement avancer.

Briser le silence, pour les victimes, est un premier pas difficile et significatif. Une fois le silence brisé, nous avons la responsabilité, en tant que société, de poser des actions concrètes et d'établir des plans d'action solides pour soutenir les victimes. Pour une victime qui passe à travers le long chemin sinueux de la dénonciation, l'absence de conséquences pour l'agresseur peut lui envoyer le message que son dévoilement n'a rien changé, que son agression n'était pas si grave, ou qu'elle a exagéré.

De toute évidence, on encourage quelqu'un qui est déjà blessé à sauter, mais on n'a pas de filet pour l'aider à atterrir.

Pour les victimes, le processus de dénonciation est éprouvant. C'est un processus qui, parfois, par sa nature et les situations qu'il engendre, peut raviver et intensifier les symptômes de stress post-traumatique déjà présents à la suite de l'agression.

La responsabilité de briser le silence doit donc cesser de reposer entièrement sur les épaules des victimes. Nous devons adapter nos pratiques aux besoins des femmes et des hommes victimes de ces crimes. Le gouvernement doit se pencher une fois pour toutes, en collaboration avec les institutions comme les universités, sur des manières strictes, adéquates et officielles d'appliquer le processus en la matière.

Il faut cesser de croiser les doigts et d'espérer que la direction d'une institution fera ce qu'il faut.

Ce n'est pas en laissant des décisions se prendre au hasard qu'on réussit à mener à terme une lutte aussi grande et importante que celle-là. Ce n'est pas à la discrétion de tout un chacun d'agir ou non en matière d'agression sexuelle. Le message doit passer par des décisions en faveur des victimes, dans un cadre réfléchi par des professionnels de toutes les disciplines.