Dans la foulée de la crise qui secoue le Barreau, une assemblée générale extraordinaire à laquelle plus de 1000 avocats ont assisté s'est déroulée lundi. Une première dans les annales du Barreau !

Une résolution réitérant la légitimité de la bâtonnière Khuong, suspendue par le conseil d'administration, a été approuvée par près de 70 % des membres présents. Les avocats ont également fait une demande d'enquête au syndic sur la fuite d'informations confidentielles et sur l'utilisation de celles-ci, syndic à qui il appartient de décider s'il y donnera suite. Enfin, les avocats ont adopté une résolution demandant formellement une enquête à la ministre de la Justice sur le caractère confidentiel des informations contenues au registre de la déjudiciarisation du Directeur des poursuites criminelles et pénales. Plus de 1000 personnes auraient jusqu'à ce jour bénéficié de cette déjudiciarisation faite sous le sceau de la confidentialité. J'ai voté en faveur de ces trois résolutions.

La magistrature et le Barreau sont d'indissociables partenaires dans la poursuite de la justice. D'ailleurs, les textes internationaux en parlent ainsi, tel le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auquel le Québec a adhéré, ainsi que toutes les normes internationales élaborées par les Nations unies.

Que s'est-il passé au Barreau depuis quelques mois ?

Comment avons-nous pu en arriver à pareilles entraves aux principes fondamentaux de justice ?

Revenons aux principes qui ont toujours, jusqu'à cette crise, fondé les actions du Barreau.

Dans le Regard du Barreau du Québec sur l'état de droit au Québec, en 2013, on peut lire que « l'état de droit ou la primauté du droit assure l'égalité de tous devant la loi, la démocratie et le respect de nos valeurs fondamentales. C'est pour cette raison que le Barreau du Québec assure un leadership dans la promotion de l'état de droit et veille au respect des principes fondateurs d'un tel état. Pour évaluer le niveau d'adhésion d'une société au principe de primauté du droit, il faut s'appuyer sur certains critères d'évaluation qui sont reconnus, au niveau international. Et chaque fois que le Barreau a constaté une atteinte aux droits fondamentaux des citoyens, il s'est fait un devoir d'intervenir. Les grandes batailles menées par le Barreau, le droit à une défense pleine et entière, le droit à la présomption d'innocence, le droit au secret professionnel. »

C'est là l'application d'articles contenus dans la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne du Québec. Ces articles constitutionnalisent les principes de justice naturelle, soit la règle Audi alteram partem (le droit de se faire entendre pour faire valoir ses moyens de défense ou son point de vue) et la règle Nemo judex in sua causa (le droit d'être traité avec impartialité et sans préjugé).

Des bavures très importantes ont été commises, comme si tous ces textes que nous connaissons bien nous étaient tout à coup étrangers. Le processus suivi par le C.A. du Barreau et sa hâte d'agir sans respecter les principes fondamentaux de justice sont répréhensibles.

On a reproché à Madame la bâtonnière de s'être défendue et le C.A. du Barreau a invoqué dans les médias d'autres actes commis, sans avoir même pris le soin de les entendre.

Le C.A. doit donner suite à la résolution sur la légitimité de la bâtonnière et la réintégrer. Même si les tribunaux sont déjà saisis, rien n'empêche le Conseil, comme la bâtonnière, de retourner en médiation. Elle a également indiqué qu'elle est prête à démissionner pour déclencher des élections générales si le C.A. consent à faire de même.

Le C.A. se doit d'agir conformément à la volonté clairement exprimée par les avocats.