Le jour où Thomas Mulcair a remporté la course à la direction du NDP, mes patrons à Toronto m'ont donné une commande bien simple pour mon article sur sa victoire : « Écris ton texte comme si personne ne le connaissait. »

Je me suis exécuté, parlant du fait que le nouveau chef de l'opposition officielle était reconnu pour son tempérament parfois colérique au cours de sa longue carrière au sein du Parti libéral du Québec, avant qu'il se rallie à la formation de Jack Layton en 2007.

L'article contenait une série de faits connus pour quiconque suivait le moindrement la politique québécoise. Mais pour mes patrons anglophones, Thomas Mulcair était une page blanche, malgré sa forte performance au sein du NPD où il avait battu l'establishment pour en prendre les rênes.

C'était en 2012, mais Thomas Mulcair a continué de souffrir de son manque de notoriété au Canada anglais. Le NDP a seulement pris cet enjeu au sérieux cet hiver, lorsqu'un important sondage interne a démontré, hors de tout doute, que le chef demeurait une énigme pour une grande partie de l'électorat.

La réalisation a mené à un grand chamboulement dans les hautes instances du parti. Thomas Mulcair a convaincu son chef de cabinet de l'époque où il était le ministre québécois de l'Environnement, l'avocat d'origine gaspésienne Alain Gaul, de le rejoindre à Ottawa. Ensemble, ils sont allés chercher l'ex-bras droit de Jack Layton, l'Ontarien Brad Lavigne, pour les conseiller dans leur tentative d'améliorer l'image du chef dans le reste du Canada.

Du coup, le NDP a cessé de se concentrer sur ses réalisations à la Chambre des communes et mis l'accent sur le travail de terrain. Leur point de départ était simple : le NDP pourrait difficilement aller chercher plus de sièges au Québec, où le parti avait fait le plein en 2011, donc il devait se concentrer sur le sud de l'Ontario et le Grand Toronto, de même que le sud de la Colombie-Britannique.

Depuis janvier, Thomas Mulcair ne manque pas une occasion de se rendre dans ces zones chaudes de la bataille électorale. Le fait que l'aile provinciale du NDP ait causé une surprise lors des dernières élections en Alberta lui a donné un sérieux coup de pouce, renforçant l'idée que le parti pouvait causer une surprise à l'échelle nationale.

UN DISCOURS SIMPLIFIÉ

Pour atteindre ses objectifs, toutefois, Thomas Mulcair a aussi considérablement changé et simplifié son discours, mettant de côté son penchant pour les envolées oratoires afin de se concentrer sur les éléments-clés de son message : un salaire minimum de 15 $ dans les secteurs d'activité fédéraux et un programme national de garderies.

De plus, à chaque occasion, le chef du NDP parle du fait qu'il est le deuxième de dix enfants d'une grande famille de la classe moyenne qui a dû travailler fort pour joindre les deux bouts. Il y a ici un double objectif : présenter un contraste clair avec la vie choyée du chef libéral, Justin Trudeau, mais aussi raconter son histoire personnelle à un public qui le connaît peu.

La famille du chef l'accompagne de plus en plus sur la route, permettant de montrer un Thomas Mulcair détendu, accompagné de son épouse, leurs deux garçons et leurs deux petits-enfants, tout souriants.

Encore aujourd'hui, un grand nombre d'électeurs canadiens n'ont qu'une vague idée de qui est Thomas Mulcair, surtout ceux qui ne suivent la politique qu'au cours des périodes électorales.

Le défi du NDP sera de continuer à attirer l'attention de ces gens qui pourraient voter pour le parti pour la première fois et de s'assurer qu'ils aiment l'image de ce chef que connaissent déjà bien les Québécois. Sinon, les conservateurs et les libéraux, à coups de publicités négatives et d'attaques partisanes, se feront un plaisir de dépeindre Thomas Mulcair comme un rêveur socialiste acoquiné au mouvement souverainiste.

* L'auteur collabore à la section Débats pendant la campagne électorale.