Le Manitoba est une province des Prairies très différente de l'Alberta, ou même de sa voisine, la Saskatchewan.

Contrairement à ce qui se passe dans ces deux provinces, l'exploitation pétrolière et gazière n'est pas au coeur de l'économie manitobaine, qui est plus diversifiée et moins affectée par les fluctuations récentes des prix du pétrole que celles de l'Alberta et de la Saskatchewan. De plus, comme le Québec, le Manitoba produit beaucoup d'hydroélectricité et, chaque année, il reçoit des paiements de péréquation. Ces facteurs pourraient aider à expliquer le fait que les conservateurs soient moins dominants au Manitoba qu'en Alberta ou même en Saskatchewan, deux provinces ayant chacune fait élire un seul député de l'opposition en 2011.

Malgré tout, en 2011, les conservateurs avaient fait des gains dans la province en remportant 11 des 14 sièges, une amélioration de deux sièges par rapport à l'élection précédente. En 2011, les trois sièges restants furent remportés par les libéraux (un siège) et les néo-démocrates (deux sièges). Les deux élus du NPD, Nikki Ashton (Churchill) et Pat Martin (Winnipeg-Centre), l'emportèrent d'ailleurs avec plus de 5000 voix d'avance sur leur plus proche rival. Cette situation est en partie liée au poids démographique des autochtones dans ces deux circonscriptions. C'est particulièrement le cas dans Churchill, une circonscription située dans le nord de la province et dont la population est à plus de 60 % autochtone.

Comme ailleurs au pays, les conservateurs ne sont pas populaires parmi les autochtones en général, qui représentent presque 17 % de la population de la province, le taux le plus élevé au pays.

Au Manitoba, les questions autochtones comme le débat concernant la nécessité d'une enquête publique sur les femmes disparues et assassinées sont d'une grande importance et elles ne favorisent pas les troupes de Stephen Harper. Reste cependant à voir si la campagne actuelle des leaders des Premières Nations pour faire sortir le vote autochtone en vue de défaire le gouvernement Harper aura du succès au Manitoba.

En dehors de la circonscription de Churchill, les zones rurales de la province restent toutefois dominées par les conservateurs qui, lors de la dernière élection fédérale, obtinrent parfois des majorités écrasantes dans les circonscriptions agricoles du sud de la province comme Portage-Lisgar et Provencher. Il serait surprenant que de telles circonscriptions changent de main le 19 octobre. Au Manitoba comme ailleurs dans les Prairies, les conservateurs restent généralement populaires dans les régions rurales.

Au-delà des régions agricoles, le NPD et le PLC espèrent faire des gains dans la province. C'est le cas dans la ville de Winnipeg, où vit plus de la moitié de la population de cette province d'à peine 1,3 million d'habitants. Winnipeg est le lieu de luttes électorales féroces qui donnent beaucoup d'espoir aux partis de l'opposition.

DES RISQUES POUR LE NPD

À Winnipeg comme ailleurs dans la province, le NPD pourrait toutefois être négativement affecté par l'impopularité du gouvernement néo-démocrate de Greg Selinger, en place depuis 2009. Cette impopularité pourrait rejaillir sur le NPD fédéral car, au Manitoba, le NPD n'est pas un parti associé au changement, mais à l'usure du pouvoir qui affecte le NPD provincial, qui gouverne sans interruption depuis 1999. Le 13 août dernier, lors d'une visite au Manitoba, Stephen Harper a d'ailleurs fait un parallèle entre le NPD provincial et le parti de Thomas Mulcair en affirmant notamment qu'augmenter « les impôts fait partie de l'ADN du NPD ».

À la grandeur de la province, les conservateurs dominent dans les sondages et ce sont les libéraux qui sont en deuxième place, devant le NPD. Au Manitoba, le défi pour le NPD fédéral est de se dissocier du gouvernement Selinger pour incarner le changement.

* L'auteur collabore à la section Débats pendant la campagne électorale.