On l'a souvent dit, la médecine moderne ajoute des années à la vie, mais sans nécessairement ajouter de la qualité de vie à ces années.

Ajoutons à cela les investissements effectués dans les dernières années dans les services de soutien à domicile, que ce soit dans le réseau public, les organismes communautaires et l'entreprise privée et on arrive à la situation actuelle vécue quotidiennement dans nos CHSLD : une clientèle très lourde qui est à risque élevé de chute, qui est totalement grabataire ou en sévère perte d'autonomie. 

Il arrive des incidents et il arrive aussi des abus, c'est vrai, et les médias se précipitent vers ces cas pour « faire de la copie », sans nécessairement encourager une réflexion sociale sur le vieillissement au Québec et ses conséquences.

Pourtant cette réflexion est nécessaire et urgente, car bientôt, c'est plus de 25 % de la population qui sera âgée de plus de 65 ans.

À 62 ans, je fais partie de ces vieux en devenir et, comme tous, je veux demeurer maître de ma vie jusqu'à la fin, comme ma mère qui est décédée en mars dernier d'une banale chute suivie d'une fracture à l'épaule.

Ce qui m'a consterné lors de l'hospitalisation de ma mère, c'est la réponse du système hospitalier : visite à l'urgence, puis retour à sa résidence privée, où les choses se sont dégradées ; retour à l'hôpital où elle a été hospitalisée en gériatrie et où on a constaté que son alitement favorisait l'accumulation de liquide sur les poumons ; transfert en soins coronariens pour amorcer des traitements actifs avec diurétiques...

Quelles étaient ses chances de survivre aux semaines d'alitement nécessaires à la consolidation de sa fracture à l'épaule ? Absolument aucune, compte tenu de son très grand âge. Résultat, ma soeur et moi avons demandé qu'on passe aux soins de confort, et elle est décédée quelques jours plus tard paisiblement et sans souffrances, mais dans un lit de soins coronariens qui coûte des milliers de dollars par jour, et en privant un autre patient qui en aurait vraiment bénéficié.

***

Le système hospitalier et le personnel médical sont dédiés à une clientèle relativement jeune avec de bons pronostics de recouvrement de la santé à la suite d'un épisode de soins actifs. Malheureusement pour les vieux en devenir comme moi, nous nous éloignons un peu plus chaque jour de ce profil, et le système peine à s'adapter à cette nouvelle clientèle.

Dans un Québec qui est réticent à tout débat public sur des questions de fond et qui est prompt à pourfendre tous ceux qui osent remettre en question l'ordre - ou le désordre - établi, il est devenu urgent de se poser quelques questions de fond : 

- sur l'acharnement thérapeutique ;

- sur le droit à des mesures de fin de vie ;

- sur l'accès réel et sans frais ni délais exagérés à des mandats en cas d'inaptitude et à leur homologation ;

- sur l'arrêt des procédures chirurgicales coûteuses et risquées, passé un certain âge ou un certain niveau de maladie ;

- sur la formation du personnel médical, qui est très mal préparé à soigner la vieillesse ;

- sur la capacité réelle du système de santé à répondre aux besoins d'hospitalisation des personnes âgées ;

- sur les niveaux de risque acceptables en CHSLD, compte tenu de la lourdeur extrême de la clientèle ;

- sur les exigences envers les maisons privées d'hébergement, compte tenu de la capacité de payer de la clientèle et de la société ;

- sur le soutien et l'aide réelle que, comme fils, filles et neveux, nous sommes prêts à donner à nos parents.

Et j'en passe...