L'auteur réagit à la chronique d'Yves Boisvert publiée  le 21 mai et intitulée « Le désordre des ingénieurs ».J'ai travaillé pendant 37 ans pour deux des plus grandes firmes de génie-conseil du Québec, en plus d'un passage de trois ans sur le chantier de construction d'une grande centrale d'Hydro-Québec. Je connais donc bien la profession d'ingénieur et je peux témoigner des moyens pris pour assurer la protection du public.

Pour un ingénieur, la protection du public consiste d'abord à ce que les ouvrages ou équipements qu'il conçoit, construit ou supervise assurent l'intégrité physique des utilisateurs.

Au Québec, au cours des 40 dernières années, à ma connaissance, je peux compter sur les doigts d'une main les ouvrages qui ont failli à la suite d'erreurs de conception ou de défauts de surveillance, ou les travaux qui ont entraîné la mort d'utilisateurs. Ces cas ont fait l'objet d'enquêtes et sont bien connus.

Le processus de conception en ingénierie est très rigoureux et implique plusieurs étapes et intervenants. De nos jours, toutes les firmes, grandes comme petites, adhèrent à un système de contrôle de la qualité supervisé par des auditeurs externes qui font des inspections régulières du processus et qui émettent un certificat de conformité exigé par les clients. Régulièrement, des erreurs sur les plans sont corrigées immédiatement à la suite d'une vérification par les ingénieurs avant la construction des ouvrages et leur mise en service.

Les ouvrages et les équipements sont conçus en suivant des codes, des normes nationales et des standards internationaux qui spécifient une multitude d'exigences à respecter. Ces codes et ces normes sont rédigés et révisés périodiquement par des comités formés d'ingénieurs, d'universitaires et de chercheurs qui s'assurent de les mettre à jour pour refléter l'avancement de la science, des méthodes de calculs et des techniques de construction.

De son côté, l'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) procède chaque année à l'inspection professionnelle d'environ 1 500 membres. Ceux qui font la conception d'ouvrages et d'équipements sont plus susceptibles d'être inspectés. (Ce ne sont pas tous les 60 000 ingénieurs qui font la conception et qui signent des plans et devis d'ouvrages ou d'équipements susceptibles d'être utilisés par le public.) De plus, le bureau du syndic procède à la vérification de la compétence d'ingénieurs à la suite des plaintes reçues du public, de clients ou après des inspections.

L'EXCEPTION, PAS LA RÈGLE

Au vu des très rares cas de fautes commises par des ingénieurs au cours des 40 dernières années qui ont compromis la sécurité du public, il me semble que l'Ordre a bien rempli son mandat de protection du public et que les ressources qu'elle y a consacrées ont été suffisantes. Cela peut toutefois être différent dans le futur, mais une situation exceptionnelle avec les fautes au code de déontologie révélées par la commission Charbonneau ne doit pas être considérée comme la règle.

L'Ordre doit prendre d'autres moyens comme la formation et l'éducation. Des réformes ont déjà été entreprises, comme obliger les firmes de génie-conseil à avoir un code d'éthique et un ingénieur par firme responsable de son utilisation.

La cotisation annuelle exigée des membres, à l'origine du « désordre à l'OIQ », selon M. Boisvert, a été la goutte qui a fait déborder le vase. Cependant les ingénieurs ne sont pas « chiches », ils n'aiment pas le gaspillage et veulent savoir que leur argent sera utilisé à bon escient. 

Comme le rapport de MM. Lamontagne et Pilote l'indique, certaines réformes sont requises à l'OIQ. La cotisation doit d'abord permettre à l'Ordre de poursuivre sa mission de protection du public, comme elle l'a toujours fait, mais aussi de mettre en place la plupart des recommandations de ce rapport.