À quoi bon écrire des commentaires positifs à propos des omnipraticiens ? Les Québécois ont décidé de les maudire. À quoi bon, alors que nos élus ciblent l'offre de services, sans jamais oser aborder l'imposition d'un ticket modérateur, notamment aux urgences ? Trop risqué sur le plan électoral ; mauvais vendeur à la une des quotidiens.

La demande générale est ainsi sans cesse débridée et l'on s'étonne inlassablement des coûts de santé exponentiels, la faute bien sûr aux riches docteurs, qui sont paresseux en plus !

À quoi bon examiner la part de responsabilité de chacun dans notre société en matière de santé afin d'expliquer pourquoi le système ne suffit plus à la demande ? Aujourd'hui, pas question que les gens toujours plus pressés prennent leur mal en patience ou qu'ils consultent quelqu'un d'autre qu'un docteur. Courbature, gros rhume, sinusite, « blues » ? Il faut le scan, les antibiotiques ou des tranquillisants. Et la ligne Info-Santé oriente le plus souvent les patients vers les urgences...

Lorsque j'aperçois une longue file d'attente tôt le matin à la porte d'une clinique sans rendez-vous, je suis persuadée que la moitié des gens aurait pu et dû se contenter des conseils d'un pharmacien.

Je fulmine en pensant que la formule du premier arrivé, premier servi nuira, peut-être gravement, à ceux qui ont absolument besoin d'une consultation médicale illico. À quoi bon souligner un tel paradoxe ?

LE CHIALAGE CHRONIQUE

Exit la sagesse populaire. À quoi bon mieux enseigner aux citoyens comment soigner des maux récurrents, saisonniers, et comment prévenir les pires ? D'ailleurs, nos élus font des compressions en santé publique. Et les émissions télévisuelles d'éducation sanitaire n'ont plus la cote. Aux docteurs d'accomplir des miracles. 

Lorsqu'on promet que les médecins de famille continueront d'accueillir plus de nouveaux patients, qu'il y aura plus de GMF, qu'on s'assurera d'une relève fiable et constante sans la sanctionner, que se passe-t-il ? Scandale ! « Mon docteur » ne sera pas en devoir sept jours sur sept, n'a pas le don d'ubiquité ! Tollé ! Car on lui offrira un supplément pour une prise en charge exhaustive à la toute première consultation.

Si j'étais un jeune médecin de famille, je songerais soit à accrocher mon stéthoscope, soit à fuir ce territoire où le chialage devient chronique, et choisirais de me dévouer là où la petite séduction opère, où existe un minimum de respect et de gratitude envers ma profession ! Sans des praticiens, néophytes et chevronnés, plus motivés que jamais, les belles cibles du Dr Barrette ne seront jamais atteintes d'ici deux ans. Et qui en subira l'opprobre ?