Monsieur le premier ministre,

Je suis enseignant au secondaire depuis maintenant huit ans. Formé à l'Université de Sherbrooke et provenant de la ville de Rivière-du-Loup, je suis aujourd'hui, grâce à l'amour, Drummondvillois.

J'aime mon travail, le contact avec les adolescents est enrichissant, la dynamique est positive et le progrès est visible. J'aime ma matière, l'histoire, à l'origine de notre culture, fondement de notre société. J'aime mon milieu de travail et cela me motive à vouloir en faire plus. Je suis donc entraîneur sportif via le parascolaire. Transmettre ma passion, c'est magique. Je crois d'ailleurs être un bon « prof » : les élèves aiment mon enseignement et je suis respecté par mes pairs.

J'oeuvre dans un milieu relativement complexe et difficile... Drummondville n'est certes pas le centre-ville de Montréal, mais nos défis sont énormes. La richesse n'est pas la panacée, les parents travaillent beaucoup (trop) et le décrochage est fort.

Présentement, j'entends et je lis des choses sur ma profession. On trouve que je ne travaille pas assez, que la qualité de mon français est misérable, que mon salaire est trop élevé et, bien entendu, le classique : « Je n'ai pas à chialer parce que j'ai deux mois de vacances l'été. »

Moi, monsieur le premier ministre, j'approuve le gros bon sens. Mon salaire est somme toute correct, tant que je conserve mon pouvoir d'achat, et je n'ai pas l'intention de revendiquer le salaire d'un médecin. Ma classe est pleine, mais si, pour réinvestir dans la prévention du décrochage, l'aide aux devoirs, le parascolaire, l'embauche de spécialistes et autres, il faut qu'elle soit encore plus remplie, allons-y !

FAIRE UN EFFORT

L'État doit faire un effort pour équilibrer son budget. Je fais partie de l'État, donc je dois participer à cet effort. De toute façon, le gros bon sens ne serait pas d'avoir des moyennes pour la province, mais plutôt des groupes plus petits où cela s'avère nécessaire et des plus gros où le milieu le permet.

Monsieur le premier ministre, je ne demande en fait rien d'extravagant. Je demande une petite tape dans le dos. Un signe d'encouragement, un peu d'espoir, de la valorisation... J'aimerais que l'éducation soit un projet de société ultraprioritaire. J'aimerais que tous les parents s'intéressent à leurs enfants... même au secondaire ! J'aimerais que les fonctionnaires du ministère de l'Éducation et nos administrateurs dans les commissions scolaires soient dans les écoles, avec moi, pour vivre l'environnement dynamique et essoufflant de l'école.

Un peu de pelouse, des bancs et de l'espace vert dans nos cours, des trous réparés et des classes fraîchement repeintes : il suffirait de peu pour mettre un peu de fierté dans nos écoles.

On demande aux élèves d'être respectueux, mais l'État ne se respecte pas en laissant ses écoles en décrépitude.

Un pupitre au niveau, une chaise avec quatre pattes égales, ce n'est pas trop demandé, il me semble. Avoir la chance de parler avec la direction lorsque j'ai besoin de soutien pour aider un élève qui est en crise est plutôt normal et souhaitable, mais ils sont pris dans des montagnes de paperasse et de mystiques réunions administratives. Nos demandes sont donc filtrées par des comités...

FIERTÉ ET APPARTENANCE

Je demande de la fierté ; je veux être fier de mon lieu de travail et aussi de ma profession. Je demande que mes supérieurs immédiats et moins immédiats (vous) me le disent et montrent cette fierté.

Je veux que mes élèves aient un sentiment d'appartenance à leur école en la trouvant belle et dynamique. Un endroit où leurs compétences et leurs passions seront catalysées pour en faire des citoyens intelligents, critiques et créatifs.

Je veux que les parents s'impliquent tous, mais ils sont eux aussi à bout de souffle, surtout quand l'enfant sort du cadre de la normalité.

Je veux, j'espère, j'ai la « vocation »... Mais si moi, Ugo Martin, je commence à me poser des questions sur l'état de l'éducation, si je commence à trouver que la logique est douteuse, que le gros bon sens dévie de ses objectifs, si moi, qui recherche toujours les deux côtés de la médaille, doute, si je commence à penser que l'éducation frappe un mur du primaire jusqu'à la recherche universitaire, alors il y en a plusieurs qui ont abandonné ou qui sont découragés.

Monsieur le premier ministre, sans me parler d'austérité et d'argent, pouvez-vous me rassurer, pouvez-vous me donner de l'espoir et de la fierté ? Pouvez-vous me garantir que l'éducation sera la priorité pour une petite société comme la nôtre dans ce XXIe siècle ?