C'est avec consternation que j'ai pris connaissance de votre article sur l'immunothérapie bucco-gingivale (La Presse+, 28 avril). Ayant reçu à ce sujet de nombreux courriels de médecins spécialistes en allergie et immunologie, je ressens le devoir de commenter les propos contenus dans votre article.

Cette intervention de l'Association des allergologues et immunologues du Québec est purement dans un esprit de justice envers la science et la protection des patients qui souffrent d'allergie. Nous n'avons rien à vendre et nous ne voulons que le bien des patients. Notre formation médicale nous apprend à travailler sur la base de faits scientifiquement prouvés par des études bien faites.

Vous prenez soin de mentionner que Santé Canada n'approuve pas l'utilisation des allergènes liquides pour la désensibilisation sublinguale. Cependant, aux yeux des lecteurs, votre article pourrait être considéré comme une affirmation de l'efficacité de ces produits, notamment lorsque mélangés à une pâte dentifrice. C'est absurde.

Il faut faire attention de ne pas semer la confusion au sujet de la désensibilisation aux allergènes.

La désensibilisation sous la langue a été très bien évaluée pour les produits sous forme solide, avec des études qui répondent aux standards adéquats. Les formes liquides ont aussi été examinées, mais il n'y a pas d'études répondant aux normes scientifiques qui ont démontré leur efficacité. C'est pourquoi Santé Canada n'a jamais approuvé cette forme de thérapie.

Vous mentionnez que l'intégration de l'allergène à la pâte dentifrice pourrait avoir un meilleur effet de désensibilisation puisque le produit se retrouve sous la langue et dans les joues. Aucun chercheur qui se respecte n'a fait cette démonstration pour ce qui est des allergènes respiratoires.

L'hypothèse selon laquelle les microtraumatismes induits par le brossage des dents pourraient favoriser une meilleure désensibilisation est purement théorique. D'ailleurs, si l'immunothérapie sublinguale liquide contenait une quantité d'allergène suffisante pour espérer une réponse immunitaire, le risque de réaction anaphylactique serait très grand car en raison des saignements produits par le brossage, l'allergène serait absorbé très rapidement.

Contrairement à ce qu'on vous a expliqué au sujet des comprimés d'immunothérapie sublinguale, il ne faut surtout pas que le patient avale l'allergène. En effet, l'objectif est de présenter l'allergène aux cellules sous la langue. Le fait de l'avaler diminue les chances de traitement efficace et favorise un risque de développer des pathologies digestives.

Réponse de la journaliste Marie Allard

Pourquoi tirer sur le messager ?

Dr Gagnon,

J'ai mentionné dans mon article que « Santé Canada n'a pas homologué ce nouveau dentifrice » et que le comité sur l'immunothérapie de l'Association des allergologues et immunologues du Québec (AAIQ) met en garde contre l'immunothérapie par voie orale sous forme liquide, doutant de son efficacité.

J'ai fait mon travail de journaliste en vérifiant que Dr Guy Tropper, qui offre ce traitement d'immunothérapie bucco-gingivale, est un membre en règle du Collège des médecins du Québec et un fellow de l'American Academy of Otolarungic Allergy. J'ai corroboré les informations que m'a données Dr Tropper auprès du Dr William Reisacher, du Weill Cornell Medical College de New York, avec qui j'ai correspondu par courriel.

Je ne peux pas trancher un débat scientifique entre médecins. Si la pratique du Dr Tropper contrevient à « la protection des patients qui souffrent d'allergie », j'espère que vous alerterez les autorités compétentes au lieu de tirer sur le messager.

Merci,

- Marie Allard