Pour l'éditorialiste André Pratte (La Presse, hier), le nombre de députés de l'Assemblée nationale devrait être réduit de 30 pour montrer au bon peuple et à ses fonctionnaires qu'on applique la même médecine d'austérité aux représentants politiques, et donc que tout le monde met la main à la pâte dans ce grand ménage des finances publiques.

En apparence, cela semble bien logique, surtout que le voisin Ontario a déjà posé ce geste il y a quelques années et qu'il n'y a pas eu là-bas une révolution dans les autobus pour maintenir le nombre de députés au niveau qu'il était auparavant. Comme argument massue, André Pratte prétend que la qualité du travail de représentation des citoyens ne serait pas affectée.

Le problème avec ce sophisme bien populiste est que la véracité de cette assertion n'a jamais été faite et que les tenants de cette thèse sont généralement des gens qui n'ont jamais fait le travail de député, particulièrement dans les milieux semi-urbains et ruraux.

J'ai eu deux vies de député: une comme représentant de la circonscription de Verchères avec 21 petites municipalités urbaines et rurales (entre 1976 et 1989) et l'autre comme leader politique de la circonscription de Borduas, qui comprend 6 municipalités de la Vallée-du-Richelieu, dont une totalement rurale (entre 1994 et 2006). Je peux témoigner que ma présence dans les communautés de ma circonscription a été beaucoup plus significative, plus intense et plus productive dans ma deuxième vie politique que dans ma première.

La représentation politique n'est pas que parlementaire, même si elle l'est au premier chef. Représenter les gens, c'est beaucoup vivre avec eux, les côtoyer le plus souvent possible dans leurs activités communautaires diverses et les accompagner constamment dans leurs efforts de développement local et régional. Il me semble qu'il tombe sous le sens que plus le nombre de gens à représenter et à servir est élevé, plus est difficile la tâche de l'élu et plus son efficacité est affectée négativement.

On dit que la diminution du nombre de députés en Ontario n'a pas eu d'impact négatif sur la vie et l'efficacité des élus. Pour avoir été membre de l'Assemblée nationale pendant 25 ans, je ne crois pas cela et rien ne le prouve, si ce n'est les préjugés séculaires qui alimentent la détestation systématique des dirigeants politiques et qui les présentent tous et toutes comme des profiteurs et des menteurs.

Incidemment, monsieur Pratte a pris un drôle de raccourci justificatif en disant que diminuer le nombre de députés serait de même nature que ce qui est demandé aux médecins. Or, à ma connaissance, le gouvernement n'a pas demandé une diminution du nombre de médecins! Quant à prétendre que les députés peuvent faire encore plus d'heures de travail comme on croit que les employés et les gestionnaires du secteur public peuvent le faire, cela démontre l'ignorance de la charge réelle de travail des représentants du peuple qui, la plupart du temps, sont en action sept jours par semaine et pour un nombre d'heures beaucoup plus élevé, déjà, que ce qui se fait à tous les échelons du secteur public.

En terminant, si les éditorialistes et des chroniqueurs veulent vraiment faire oeuvre utile, ils devraient plutôt s'intéresser aux graves lacunes démocratiques de notre mode de scrutin et à la marginalisation de notre Parlement au profit d'une monarchie élective centrée sur le pouvoir absolu du premier ministre.