Nous étions sept cents.

Nous étions sept cents.

Ce matin, j'étais encore en vie, et ma Douleur aussi.

Ce matin-là, je l'avais invitée à voyager, mais ma Douleur a eu peur.

Suis-moi.

Là-bas, tout est beauté, lui avais-je chantonné.

Il paraît que tout est éclatant, de l'autre côté.

Souvent, il pleut de l'eau de fleurs d'oranger et le miel inonde les rivières.

Suis-moi.

Là-bas, un éternel champ de coquelicot nous attend...

Et le soleil? avait-elle sangloté.

Il nous accompagnera. Il nous réchauffera.

Embarque, ne crains rien. Le salut s'en vient.

Toi, moi et tous ces êtres meurtris, dans ce navire, nous voguerons bien heureux sur l'immensité calme vers des rivages plus tranquilles.

Les vagues nous berceront. Sous la lueur de la lune, je te conterai, ô ma Douleur, la douceur d'un rêve ailleurs.

Là-bas, je te réinventerai un nom. Je t'appellerai Espoir et nous ressusciterons.

Mais.

Nous étions sept cents.

Et notre navire a cédé sous le poids de sept cent mille milliards de tonnes de misère.

Sous un ciel en pleurs, nous avions prié, puis crié et hurlé. Nos âmes trop lourdes de peine ont coulé.

Nous errons désormais libres au gré des courants.

Et que reste-t-il de ma douleur? Des écumes d'un semblant de vie...