Frapper l'Université du Québec à Montréal est un sport très québécois. Je suis né en Belgique, suis passé par les États-Unis avant d'arriver comme professeur à l'UQAM en 1995. En 20 ans, j'ai remarqué à de nombreuses reprises à quel point l'opinion publique, les médias et les autres universités prenaient plaisir à mettre l'UQAM au ban.

L'UQAM elle-même excelle dans l'art de l'autoflagellation. Quelle surprise pour moi qui débarquais du reste du monde où l'UQAM a une réputation extrêmement positive! À l'Université Carnegie-Mellon, où je terminais alors mon doctorat, mon directeur de thèse, Finn Kydland, futur Nobel d'économie (2004), m'avait convaincu d'accepter l'offre de l'UQAM. Le noyau de chercheurs dans mon domaine à l'époque y était très prometteur. Aujourd'hui, je peux vous dire qu'il est exceptionnel. Le Département des sciences économiques de l'École des sciences de la gestion (ESG) de l'UQAM est un joyau dans la discipline.

À la suite de l'intervention policière de mercredi dernier, pour chasser des murs de l'UQAM un groupuscule anarchiste d'individus masqués, les médias se sont déchaînés: on parle de dérive, on attaque la réputation de l'université, on annonce sa fin proche. Pourquoi? En 2012, lorsque le recteur Breton de l'Université de Montréal a demandé l'aide de la police pour rétablir l'ordre, a-t-on décrété que c'était la fin de l'Université de Montréal? Les policiers ne sont-ils pas entrés à l'Université Laval le 23 mars dernier dans l'indifférence générale? Pourquoi une telle différence de traitement?

L'université n'est pas un lieu où l'on peut s'exprimer par la violence. Sanctuaire ou pas, il ne peut offrir un abri à des individus cagoulés, armés de marteaux, qui ne cherchent que la violence. Ce ne sont pas des étudiants à qui enseigner le libre arbitre. Ce ne sont probablement pas des étudiants. J'applaudis mon recteur, Robert Proulx, qui a eu le courage d'affirmer avec force que l'Université ne permettrait pas qu'on atteigne à sa mission.

Réaction douteuse du syndicat

Nous avons tous vu à la télévision une vingtaine de professeurs et de chargés de cours, menés par la présidente du syndicat des professeurs, Michèle Nevert, former une chaîne humaine pour repousser les policiers. Ils exigeaient la démission sur-le-champ du recteur. Condamnaient-ils avec autant de zèle la violence et l'intimidation des individus cagoulés?

Le geste était déplorable et m'a semblé profondément mesquin. Comment peut-on penser se faire du capital politique dans un tel contexte? Ce geste est décrié par de très nombreux professeurs qui, même s'ils sont en période de négociation de convention collective, n'auraient jamais songé vouloir affaiblir leur recteur à un moment aussi critique. Mme Nevert a manqué toute une occasion de montrer sa solidarité avec son institution.

Doyen de l'ESG UQAM depuis deux ans, je suis particulièrement fier de mon École. Avec près de 15 000 étudiants dans les domaines de la gestion, de la comptabilité, de l'économie et des études urbaines, l'ESG est la plus grande école de gestion du Canada et la plus grande école de gestion francophone du monde.

Nous recrutons nos professeurs dans les meilleures universités: Princeton, MIT, Stanford, Cambridge, Boston, Londres, Louvain... C'est à l'ESG UQAM qu'ont étudié Patrick Pichette, ex-numéro deux de Google, Mario Plourde, PDG de Cascades, Martin Thibodeau, président de RBC QC, Sylvain Roy, président de Rogers QC, Mark Weightman, PDG des Alouettes, Jean Gattuso, PDG de Lassonde, etc.

L'UQAM et l'ESG sont une source de grande fierté pour le Québec, qui doit décidément, une fois pour toutes, apprendre à être fier de ses trésors.