Me voilà triste et un peu orphelin depuis le décès de Mgr Turcotte. Au-delà de la figure médiatique et publique appréciée de beaucoup, il a été pour moi, pendant plus de 20 ans, mon évêque.

C'est lui qui m'a ordonné prêtre, qui m'a confié je ne sais plus combien de responsabilités, qui m'a interpellé, soutenu et encouragé à de nombreuses occasions. Au fil de toutes ces années s'est tissé un lien marqué par une affection et un profond respect, et ce, malgré le fait que nous ayons été si différents l'un de l'autre.

Je me souviens du jour de mon ordination à la prêtrise, alors que j'étais particulièrement nerveux à quelques minutes de cet engagement important dans ma vie; voilà Mgr Turcotte qui badine avec mon frère aîné, comparant leur tour de taille respectif! C'était là un spectacle qui contrastait avec mon état d'esprit, mais le ton était donné par cet homme bon enfant, accessible, ouvert, qui ne se prend pas toujours au sérieux.

Quelques années plus tard, alors que je suis loin de la maison pour mes études à Rome, mon père décède. J'ai été particulièrement ému par les petites attentions qu'a eues Mgr Turcotte pour moi lorsque, par la suite, il était de passage lui aussi à Rome, prenant de mes nouvelles, s'assurant que je ne manque de rien, allant même jusqu'à m'offrir ses services de facteur entre ma mère et moi. Il était simple et très touchant.

Même dans les temps difficiles

Dans des circonstances plus difficiles, Mgr Turcotte n'a pas très bien pris la chose lorsque j'ai démissionné de mon poste de curé des trois paroisses d'Outremont sur un fond de profond désaccord avec lui, au point où c'est en claquant la porte que je suis parti. Pendant plusieurs mois, nous avons ruminé, chacun de notre côté, notre colère et notre incompréhension. Jusqu'au jour où il m'a invité à discuter. Après deux heures de tête-à-tête, nous n'étions toujours pas d'accord, mais nous nous étions écoutés et réconciliés.

Dans la polémique médiatique qui m'a opposé au cardinal Ouellet au sujet de l'éducation chrétienne dans les écoles publiques, quelques personnes demandaient mon renvoi de la prêtrise. Mgr Turcotte m'a constamment soutenu et rassuré, me confiant que sur le fond, il était plutôt d'accord avec moi et que je ne devais pas m'en faire.

Lorsqu'il m'a demandé, il y a quelques années, d'être un de ses vicaires épiscopaux, sorte de proche collaborateur, il m'a réitéré sa confiance. J'ai porté difficilement ces nouvelles responsabilités. Bien qu'avec maladresse, combien de fois Mgr Turcotte a-t-il cherché à m'encourager, à me soutenir!

Ce n'était pas toujours de tout repos de se trouver dans l'entourage immédiat de Mgr Turcotte; il avait ses marottes, ses sautes d'humeur, et quelques idées bien arrêtées qui rendaient la discussion parfois laborieuse. Mais l'ensemble de sa personnalité le rendait continuellement attachant. Sensible, il riait de bon coeur aux taquineries que je lui lançais régulièrement.

Il y a quelques semaines, alors que je souhaitais aller le visiter à l'hôpital, on m'a conseillé d'y aller vêtu du col romain, que je ne porte pas si souvent, afin d'avoir un accès plus rapide à sa chambre. Alors que nous discutions, il me fait remarquer qu'il est rare de me voir habillé ainsi. Je lui fais remarquer que puisque c'est la première fois que je vois un cardinal en pyjama, il fallait bien que je sois vêtu correctement... il riait de bon coeur.

Avec le décès de Mgr Turcotte, je ne perds pas un ami; nous ne partagions pas cette intimité. Mais je perds mon évêque, qui aura marqué profondément l'homme et le prêtre que je suis.

Cher Jean-Claude, je n'ai plus que ceci à te dire: merci, et sois en paix maintenant et toujours auprès de Celui que tu as cherché à servir de ton mieux, généreusement. Mon espérance me dit que nous nous reverrons. Je m'en réjouis déjà!