Chaque fois que l'on parle de la réforme du réseau de la santé, la loi 10, le gouvernement s'empresse de dire qu'il n'y aura pas d'impacts sur les services et pour les patients. Tant mieux, mais qu'en est-il de ceux qui ne sont pas encore malades?

Jusqu'à maintenant, c'étaient mes collègues et moi de la santé publique qui nous occupions de ceux-là, qui faisions la prévention. Vous connaissez l'adage: une pomme par jour éloigne le docteur pour toujours. Nous, on s'occupait, en quelque sorte, de faire pousser des pommiers. En plus, on s'assurait que tous aient accès aux pommes: les enfants, les adultes, les travailleurs, les écoliers, les parents, les défavorisés, surtout les défavorisés.

Mercredi, le ministre Barrette fera une coupe à blanc de tous les pommiers du Québec en coupant plus de 30% des budgets pour la prévention. Il ne restera pas grand-chose puisqu'actuellement, le budget accordé à la prévention représente 2% du budget de la santé.

Ce ne sera pas la première fois qu'on s'attaque aux pommiers. Il est toujours plus urgent de s'occuper de ceux qui saignent que de ceux qui vont bien. Depuis de nombreuses années, le curatif occupe toute la place et accapare les ressources toujours insuffisantes. On a tous été confrontés à un système qui ne peut plus répondre aux besoins: un proche qui attend trop longtemps pour une chirurgie ou un rendez-vous avec un spécialiste, un séjour plus que long aux urgences. Tout ça se voit et fait la manchette des journaux. Pendant ce temps, discrètement, un homme cesse de fumer en ayant recours aux patchs que son pharmacien a pu lui prescrire sans avoir à passer par un médecin; sinon, il n'y aurait pas eu accès, puisqu'il n'a pas de médecin.

 Chaque fumeur qui cesse de fumer permet d'économiser des milliers de dollars en soins de santé. Personne n'en a parlé. Une mère a mis un fruit dans la boîte à lunch de son fils parce que l'école fait la promotion de la saine alimentation, des enfants de milieux défavorisés reçoivent la visite d'un dentiste pour des traitements pour réduire les caries. Derrière chacune de ces actions, il y a un travailleur de la santé publique. Sans faire de bruit, mes collègues et moi distribuons des pommes, permettant au réseau de la santé d'économiser des millions de dollars parce que la population est en meilleure santé.

À compter de mercredi, il y aura de moins en moins de planteurs de pommiers et, par le fait même, de moins en moins de pommes offertes pour la population. Ces pommes qui éloignent le docteur pour toujours...