En novembre 2013, j'ai été élue conseillère d'arrondissement à la Ville de Montréal pour un mandat de quatre ans. À mon arrivée à l'hôtel de ville, on m'a offert (comme à tous mes collègues élus), une place de stationnement intérieur gratuite pour toute la durée de ce mandat. J'ai poliment refusé la carte magnétique que l'on me tendait puisqu'elle ne m'aurait été d'aucune utilité: je ne possède pas de voiture; je me déplace autrement.

La valeur de cette place de stationnement est de 175$ par mois. C'est donc un cadeau d'une valeur de plus de 2000$ par année que j'ai refusé, sans que rien ne me soit proposé comme équivalence. À la Ville de Montréal, plusieurs directeurs et hauts fonctionnaires profitent aussi de ce privilège.

Est-il donc normal et acceptable que tant de places de stationnement, parmi les plus coûteuses à Montréal, soient réservées et payées à même les fonds publics, année après année? D'autant plus que la plupart d'entre elles sont effectivement très peu utilisées, puisqu'une grande partie des élus passent plus de temps dans leur arrondissement qu'à l'hôtel de ville.

Ce système, en plus d'être inéquitable pour ceux et celles d'entre nous qui ne se déplacent pas en voiture, encourage pernicieusement l'utilisation de l'automobile puisqu'il ne propose pas d'alternative aussi alléchante. À ce jour, il n'est effectivement pas possible de choisir une autre forme «d'aide au déplacement», par exemple une carte mensuelle de la STM, plutôt que le stationnement gratuit.

Pourtant, avec 175$ par mois, je pourrais payer mon abonnement BIXI pour l'année (84$ étalés sur 12 mois) en plus d'une carte OPUS mensuelle (82$ par mois), et il me resterait encore 85$ par mois dans les poches, soit plus de 1000$ annuellement. Vu sous cet angle, un tel cadeau tombe-t-il autant sous le sens? Bien sûr que non. Un tel «surplus» devrait demeurer dans les coffres de la Ville, et tout le monde s'en trouverait gagnant.

Je ne dis pas que tous mes collègues devraient se déplacer à vélo, ni même en métro. Je dis simplement que, si on choisit de subventionner leurs déplacements, cadres supérieurs et élus devraient pouvoir choisir leur mode de transport et bénéficier d'une compensation équivalente, équitable. Et si cette approche est jugée abusive, il faudra dès lors cesser de payer collectivement pour ces stationnements chauffés comme si cela allait de soi, pour annoncer à chacun qu'il est dorénavant responsable financièrement de son choix. Ce serait là une approche simple et plus juste, à mon sens.

Montréal a un plan de transport audacieux qui met la marche, le vélo et les transports collectifs au sommet de ses priorités (l'idée que j'énonce en fait d'ailleurs partie). Montréal adhère à la Charte internationale de Toronto pour l'activité physique, qui vante les nombreuses vertus des transports actifs. L'automne dernier, le conseil municipal de Montréal a adopté à l'unanimité et en grande pompe la Déclaration pour le droit à un environnement sain dont la Fondation David Suzuki fait la promotion.

Bravo pour le discours, monsieur le maire. Le temps est maintenant venu de poser un petit geste concret dont la portée symbolique aura probablement plus d'impact que toute cette bonne volonté.