Cette semaine, plusieurs articles ont été publiés à l'effet que Québec n'allait pas reconduire les lettres d'entente avec les pharmaciens en établissement lorsque celles-ci viendront à échéance, le 31 mars prochain. Donc, la semaine de 40 heures (au lieu de 36) et les primes d'éloignement et d'enseignement tomberont. Cela se traduit par des coupes de salaires 20% pour la majorité des pharmaciens en centres urbains et de 45% pour les pharmaciens en région éloignée.

Le gouvernement est en train d'analyser l'effet réel de ces mesures afin de déterminer si, effectivement, elles doivent être reconduites. Dans son analyse, le gouvernement doit prendre en compte la réalité de chaque centre hospitalier afin de prendre la décision la plus éclairée. Car au-delà de notre salaire, il y a des soins cliniques donnés par des pharmaciens à l'enjeu. L'Ordre des pharmaciens du Québec, dont le mandat est de protéger la population, s'inquiète de l'impact de telles mesures et voici pourquoi.

Au CHUM, il y a l'équivalent de 60 pharmaciens à temps plein. Au 1er avril, si les mesures ne sont pas reconduites, nous devrons couper 225 heures de services cliniques aux patients par semaine (soit l'équivalent d'un peu plus de 6 postes à temps complet). Le problème, c'est que nous ne pouvons faire plus avec moins... et la question est: Où allons-nous couper?

La solution la plus simple serait de demander à tous les pharmaciens d'offrir 45 minutes de services cliniques en moins dans chacun des secteurs. Cette solution amènerait son lot de problèmes. À la clinique externe d'oncologie de Notre-Dame, entre 80 et 90 patients par jour reçoivent leurs traitements de chimiothérapie contre le cancer. Nous sommes entre cinq et six pharmaciens chaque jour et avons déjà de la difficulté à compléter notre journée de travail. Plus souvent qu'autrement, il faut parfois rester 15 à 30 minutes supplémentaires, non rémunérées, afin de compléter notre travail.

Si nous devons travailler moins, il se pourrait que des traitements soient retardés, que les patients n'aient pas tous les conseils sur les effets indésirables de leur traitement ou qu'on limite les traitements à 70 patients par jour.

Cela aurait des effets néfastes pour la qualité de nos soins aux patients. Nous ne voulons pas en arriver là.

L'autre solution serait de réorganiser nos secteurs d'activité afin de maintenir ceux que nous considérons comme «essentiels». Cela amène deux grands problèmes:

1 - Comment juger que les patients en cardiologie, en gériatrie ou à l'urgence ont moins besoin de nos services qu'un patient en oncologie?

2 - À cause de la complexité et la spécialisation des soins, il est impossible de demander à un pharmacien en gériatrie de venir en oncologie du jour au lendemain, car ce n'est pas son champ d'expertise. L'équivalent, sur le plan médical, serait de demander à un radiologiste d'opérer un patient en neurochirurgie afin d'aider son collègue à diminuer la liste d'attente... Les risques d'erreurs sont énormes! Afin qu'il soit efficace, ce pharmacien devra donc être formé au moins pendant un à deux mois en oncologie pour être capable de faire notre travail. Cependant, nous sommes déjà à la mi-mars...

Actuellement, cinq postes de pharmaciens sont vacants et non remplacés à cause de départ, de maternité ou de maladie. Nous absorbons de peine et de misère ce manque d'effectif. La situation budgétaire fait en sorte que nous n'avons pas recours au temps supplémentaire ni à l'emploi de nouveaux effectifs à cause du gel d'embauche dans la fonction publique. La dernière chose que je désire, c'est que nos patients en souffrent, mais chaque centre hospitalier devrait faire des choix.

Étant donné la complexité et le besoin des soins, l'option la plus simple serait que le gouvernement reconduise la lettre d'attente, comme pour toutes les négociations précédentes, en faisant preuve de bonne foi.