Quand on est à court d'arguments, il est toujours plus facile de tirer sur le messager. Dans le feuilleton des changements climatiques, c'était récemment au tour du climatosceptique Willie Soon de se faire attaquer dans le New York Times et d'autres grands médias. Le délit de Soon serait d'être en conflit d'intérêts, vu des sommes importantes (1,2 million US) qu'il aurait touchées de l'industrie pétrolière, selon Greenpeace et un groupe de chasse à la sorcière intitulé Climate Investigations Center. La nouvelle n'en est pas vraiment une, datant de quelques années, mais c'est une autre histoire.

Plus récemment encore, on apprenait que le Centre québécois du droit de l'environnement et Environnement Vert-Plus auraient été financés par un concurrent du promoteur dans leur offensive contre le projet de cimenterie polluante de Port-Daniel-Gascons.

Bien sûr, c'est le travail des médias de scruter les intentions des intervenants dans des débats de société. Le public veut flairer la fragrance du pétrole dans les écrits climatosceptiques de Willie Soon. Il est pertinent de savoir d'où viennent idéologiquement les divers intervenants dans les débats scientifiques sur la sauvegarde des bélugas, la pollution, les changements climatiques, la gestion des forêts, etc. En général, c'est facile. Toutefois, dans le cas du chercheur climatosceptique Willie Soon, démasquer ses sources revenait à enfoncer une porte ouverte, ses allégeances étant connues. Tout comme dans le cas de ces nombreux chercheurs en environnement dont l'idéologie sociopolitique est une des motivations fondamentales, souvent exprimée ouvertement. Quand c'est moins évident, il est important d'exposer les biais, car il devient plus facile de déchiffrer les propos des intervenants prétendant l'objectivité.

Mais si l'intégrité du processus scientifique par lequel le chercheur, tout aussi biaisé soit-il, est arrivé à ses conclusions est jugée acceptable, à quoi bon se préoccuper des sources de financement? Pourquoi une recherche financée par le gouvernement ou le Fonds mondial pour la nature serait-elle moins biaisée qu'une recherche financée par la société pétrolière Suncor? Aller au bout de cette logique paranoïaque reviendrait à refuser des sommes importantes versées par le secteur privé pour la recherche en environnement. Cela irait à l'encontre de la tendance actuellement encouragée dans notre monde académique, et nous n'en avons pas les moyens.

Biais scientifique?

Un des principaux problèmes derrière les accusations de conflit d'intérêts chez les intervenants du camp adverse, quel qu'il soit, est la confusion entre cause et effet. Est-ce que le climatosceptique Willie Soon a déformé la démarche scientifique parce qu'il a reçu des fonds pétroliers? Ou est-ce plutôt le scepticisme dans son approche qui lui a valu les faveurs de l'industrie pétrolière?

Si on persiste à croire que la source de financement biaise la science, on devrait alors se préoccuper du financement de la recherche par les grandes organisations environnementalistes telles que Greenpeace ou le Fonds mondial pour la nature, dont les budgets annuels combinés approchent le milliard de dollars. Sans parler des divers ministères oeuvrant en environnement, truffés de militants prêts à utiliser leur travail pour «sauver la planète» avec des fonds de contribuables qui ne partagent pas forcément cette ferveur.

Au mieux, ces potins sur le financement de recherches sur des enjeux environnementaux en disent long sur la tendance des accusateurs à faire de la projection, diraient les psychanalystes. Alors, plutôt que de sonder l'idéologie de Willie Soon, posons la question: qu'est-ce qu'il propose comme théorie climatique, ce chercheur? Quelle est la provenance de ses données la méthode d'analyse utilisée, et le fondement logique de ses conclusions? Quelles sont les principales critiques et comment ce chercheur y a-t-il répondu? Ne pas poser ces questions, c'est y répondre.