Une certaine idée de partage s'étend dans les grandes villes du monde, inspirée du web 3.0 et des réseaux sociaux. L'apparition d'Uber X et de son modèle d'affaires ne menace pas seulement l'industrie du taxi, mais beaucoup d'autres entreprises et services régis par des normes et règles, auxquelles les tenants du «modèle Uber» n'adhèrent pas.

Bien d'autres champs d'activités qui ont déjà goûté à cette médecine, dont celles des arts (littérature, musique, film, vidéo) et de la création en général, sont en décroissance. Dans sa première vague, le web 2.0 menaçait la propriété intellectuelle et les droits d'auteur, selon Andrew Keen1, un informaticien de Silicon Valley. Dans ce modèle concentrationnaire de consommation, la règle est celle du plus bas prix qui fait du client le décideur final.

Les internautes semblent voir d'un bon oeil ces nouvelles pratiques. Ainsi, certains croient que l'arrivée d'Uber est normale dans le contexte des nouvelles technologies et qu'on ne peut condamner quelqu'un qui veut arrondir ses fins de mois, que cette façon de faire s'étendra éventuellement à d'autres domaines.

La libre concurrence permet-elle au citoyen de devenir un «scab», faisant fi des règles dûment établies? La braderie se substituerait-elle au droit, à la justice et au respect des conventions si chèrement acquises, de mémoire de luttes? Uber et compagnie, c'est le loup dans la bergerie, le cheval de Troie dans la cité.

La déréglementation amorcée sous Reagan et Tatcher a irrémédiablement bouleversé l'économie mondiale et ses marchés. La culture internet semble cautionner et poursuivre à petite échelle cette proposition du libre marché. Sans égards aux conséquences à plus long terme. Qu'importe! La loi du profit n'est-elle pas le nouveau credo, dans ce village global chimérique de chasseurs d'aubaines que nous sommes devenus?

1 Le culte de l'am@teur - Comment internet tue notre culture, Éditions de L'Homme, 2008.