L'auteur réagit au texte «La réforme qui déforme», publié le 6 février.Ayant moi-même déjà enseigné pendant de nombreuses années, j'ai toujours eu un préjugé favorable et une très grande admiration à l'endroit des enseignants. Loin de moi l'idée de remettre en doute les compétences de M. Turcotte pour enseigner au collégial. Mais je ne peux cependant laisser passer des assertions fausses.

M. Turcotte cite Jacques Brassard, «ancien ministre de l'Éducation péquiste». Malgré une feuille de route impressionnante en politique, M. Brassard n'a jamais été ministre de l'Éducation, comme l'indique la liste officielle des 27 ministres de l'Éducation du ministère.

Toujours selon M. Turcotte, Jacques Brassard aurait commenté ainsi le Programme de formation de l'école québécoise:

«Au lieu d'évaluer, par exemple, la langue française, c'est-à-dire la grammaire, la syntaxe, l'organisation des idées, le vocabulaire, la lecture, il fallait désormais apprendre à écrire des textes variés, à apprécier des oeuvres littéraires. Au lieu d'évaluer les mathématiques, c'est-à-dire les tables de multiplication ou la géométrie, il fallait apprendre des «situations problèmes» ou apprendre à communiquer avec l'aide du langage mathématique.»

Il est faux de prétendre qu'on n'évalue pas la langue française dans le Programme de formation de l'école québécoise. Il est également faux de prétendre qu'on n'évalue pas les tables de multiplication ou la géométrie. Mais cela se fait dans un contexte de développement de compétences.

Il existe un magnifique outil pour les enseignants, La progression des apprentissages, qui décrit le contenu notionnel du PFEQ devant être systématiquement enseigné.

Cet outil permet d'identifier toutes les connaissances que l'élève doit maîtriser d'un niveau à l'autre, et ce, dans toutes les disciplines, tant au primaire qu'au secondaire. L'enseignant qui planifie bien son enseignement peut ainsi suivre les progrès de ses élèves d'une année à l'autre et prendre connaissance de l'ensemble du curriculum de l'élève et des «connaissances à acquérir», tant au primaire qu'au secondaire. On constate alors que non seulement l'enseignant doit planifier l'enseignement de la langue française (la grammaire, la syntaxe, l'organisation des idées, le vocabulaire, la lecture) dans un contexte de développement de compétences, mais qu'il doit aussi l'évaluer. La progression des apprentissages fournit à l'enseignant les connaissances, des pistes pour l'appropriation des connaissances ainsi que l'utilisation des connaissances.

On réalise également qu'avec la réforme, les élèves doivent apprendre à lire, à écrire et à compter.

C'est dans l'application et l'interprétation de la réforme, sans formation adéquate, qu'il y a eu dérapage. La résistance syndicale a toujours été très forte, dès l'apparition de la réforme et tout au long de son implantation. Si ses fondements et ses principes directeurs sont solides et inspirants, c'est essentiellement le manque de formation des enseignants qui a fait défaut et explique en grande partie les difficultés rencontrées. Ainsi, souvent peu ou pas formé, l'enseignant faisait ce qu'il pouvait avec la réforme et l'appliquait au meilleur de sa connaissance, en fonction de ce qu'il en comprenait. Qu'attend-on pour rendre obligatoire la formation de tous les enseignants?

Quand on décide de faire une critique dans un journal aussi reconnu, important et sérieux que La Presse, il me semble que la moindre des choses est de valider ses informations. Le fait de dire que «cette réforme a été et sera toujours une tragédie pour le Québec»... ou réclamer qu'un ministre de l'Éducation «mette la hache dans cette maudite réforme pour revenir à la transmission de connaissances» m'apparaît une déclaration aussi virulente qu'intempestive, laissant peu de place à la nuance.