Dans les villes que l'on aime construire, le mégacentre commercial est devenu une marque de commerce. Ce concept est apparu à Brossard en 2006, sous le nom du quartier DIX30.

Les autres mégacentres qui sont apparus par la suite dans la grande région de Montréal ont les mêmes caractéristiques: ils sont situés à la jonction de noeuds autoroutiers importants, ils couvrent de grands espaces, les édifices sont isolés, il n'y a pas d'aires protégées pour la marche, la voiture trône au milieu d'immenses stationnements, le trafic est intense et requiert des feux de circulation.

Voilà qu'un promoteur veut profiter du noeud autoroutier 15-40 à Ville Mont-Royal pour faire la même chose. Le 450 s'invite dans le 514: est-ce une bonne nouvelle?

Que l'île de Montréal se mette au goût du jour en construisant un mégacentre commercial n'a rien de répréhensible. Regrouper toutes les enseignes dans un même lieu facilite le magasinage et réduit les déplacements. À cause des grands espaces disponibles, les magasins à grande surface peuvent s'y installer, service que le centre-ville ne peut offrir à des prix compétitifs. Entre nous, avec ou sans le nouveau «Quartier 15-40», les salles de spectacle et les commerces du centre de Montréal continueront d'avoir de la difficulté, tout simplement parce que l'environnement est hostile aux familles qui habitent en dehors du centre-ville.

Un concept problématique

Ce n'est pas d'offrir de nouveaux services commerciaux dans ce coin de l'île qui pose problème, mais le concept proposé. L'utilisation de l'automobile pour se déplacer d'un magasin à l'autre est particulièrement dérangeante, surtout pour les jeunes parents qui doivent manipuler une poussette. À cause de la complexité des lieux, la circulation à l'intérieur du complexe est souvent difficile et confuse. Ce n'est pas adapté aux hivers québécois. Et ce n'est pas beau.

Par rapport au mail fermé, non seulement la consommation de carburant est plus grande à cause de l'utilisation accrue de la voiture, mais la consommation de chauffage et de climatisation par type de commerce augmente également. Deux raisons l'expliquent. Le bâtiment indépendant a quatre murs exposés au climat extérieur, et dans ces nouveaux mégacentres, les surfaces construites par type de commerce sont plus grandes que dans les anciens centres commerciaux.

Mais pour le Quartier 15-40 à Ville Mont-Royal, il y a plus. Les environs de Décarie et de l'autoroute métropolitaine sont reconnus pour leur congestion chronique. En construisant un mégacentre, on surchargerait les autoroutes et on créerait ainsi une charge de pollution supplémentaire. Les résidants de Ville Mont-Royal en tireraient des profits, les voisins paieraient pour les désagréments de pollution et de trafic, et les contribuables québécois assumeraient l'entretien des autoroutes.

Quelle est la logique de ce bâclage architectural? C'est tout simple: la Ville s'en lave les mains. Le promoteur se charge de l'aménagement. Les promoteurs de divers commerces ont déjà des plans tout faits et ils ont le capital. En trois ans, le tour est joué.

À regarder ces nouveaux centres commerciaux, on peut douter qu'il existe au Québec une volonté de faire mieux. Les enseignes sont les mêmes, l'architecture est équivalente au détail près, les espaces verts sont disposés de la même manière. Personne, nulle part, ne peut être dépaysé. Rien ne semble pouvoir exister qu'en série, sans considération du beau, de l'environnement et de l'efficacité énergétique.