On a beaucoup parlé de la conscience sociale des médecins, mais qu'en est-il de la conscience sociale de chacun d'entre nous (médecins inclus): les patients?

Il y a des gens ayant des pathologies qui, nécessairement, les feront consulter fréquemment, pour ne citer que quelques exemples: ceux qui ont des maladies héréditaires, des maladies congénitales, des maladies acquises, des cancers, ceux qui ont des accidents graves, etc. Et il y a tous les autres, c'est-à-dire ceux qui représentent la très grosse masse de gens qui font la différence sur les coûts de santé.

Je suis médecin de famille avec 1500 patients et je fais plusieurs activités médicales et d'autres connexes à la médecine. Je crois au rendez-vous «annuel» bien ciblé, c'est-à-dire adapté au profil de mon patient. C'est un rendez-vous d'organisation une fois par année, ne serait-ce que pour évaluer si la médication est toujours nécessaire ou toujours adaptée aux besoins de mes patients. Ce qui fait surtout partie de ma consultation est d'encourager les patients à faire une activité physique cardio-vasculaire régulièrement, selon leur potentiel et selon leur limite physique.

Il y a des statistiques qui démontrent, clairement, que si les gens ont une capacité cardio-vasculaire élevée, exprimée en MET (pour équivalent métabolique), ils sont moins malades que les autres. Ils consultent moins en médecine, ils ont moins d'investigations et consomment moins de médicaments. Le jour où les compagnies d'assurances utiliseront ce critère pour octroyer des primes particulières aux demandeurs est proche, tout comme il existe une différence de prime entre un fumeur et un non-fumeur.

Vous êtes un peu «enrobé» à l'abdomen? Attention, vous avez une condition à prendre au sérieux, car vous avez de fortes chances de vous retrouver éventuellement, avec des complications de diabète, qui mèneront à des insuffisances rénale, vasculaire et cardiaque... et elles, aux soins intensifs.

Vous avez déjà fait votre infarctus? Raison de plus pour vous entraîner.

Je dis souvent à mes patients que dès qu'ils se mettent en action, cela change toutes les réactions chimiques du corps, et les bienfaits sont très rapides: certains immédiats, d'autres en quelques semaines, parfois quelques mois selon l'objectif à atteindre.

Plus les gens s'entraînent régulièrement, plus il y a de bienfaits, moins il y a des besoins en médicaments et, parfois, aussi, on peut venir à les cesser totalement.

Depuis plus de 20 ans que je côtoie mes patients, c'est un vrai plaisir d'échanger avec eux et de les motiver à s'entraîner. C'est aussi un grand privilège. Je suis très fière de leur attitude envers leur santé, de leurs efforts qu'ils mettent pour améliorer leur condition physique. Je ne parle pas ici que des gens sans problème, mais aussi de mes très grands malades qui font des pas et des efforts chaque jour pour éviter d'autres complications.

Les patients ayant une santé précaire qui, année après année, ne font aucun effort pour se prendre en main et qui nécessitent des soins et des médicaments (payés en partie ou en totalité par la société), restent un problème. C'est trop facile de ne rien faire, de remettre à demain, de ne pas se décider à se mettre en action et de compenser en prenant des médicaments.

Si nous faisions un petit effort pour se mettre en forme (et manger sainement), selon nos capacités et limites physiques, les finances publiques se porteraient mieux. C'est là que la conscience sociale de chacun d'entre nous s'avère primordiale pour alléger le fardeau du système de santé et ainsi faciliter l'accès d'un médecin de famille pour tout le monde.